Les 6 attitudes d’écoute de Porter

Norbert Macia – mercredi 4 septembre 2013 – Communication  - 6 Comments


Les 6 attitudes d’écoute de Porter

Tout professionnel de l’accompagnement qui s’intéresse à ce que nous appelons « position basse » se doit d’être sensible et réceptif à la question fondamentale de l’écoute. L’écoute est, en effet, une des composantes majeures de l’attitude basse qui en comprend 4 autres : la présence, le corps, le regard, la parole (parfois).

L’écoute est à l’entendre, ce que le silence est à la parole ou ce que le percevoir est au voir. Il s’agit donc d’une attitude qui exige beaucoup de la part des personnes qui la pratiquent, beaucoup plus de présence et d’attention que dans nos attitudes de la vie courante : entendre, parler, voir.

Le psychologue américain Elias Porter, collaborateur de Carl Rogers, met en évidence une typologie d’attitudes identifiable (Les 6 attitudes d’écoute de Porter), qui sont plus ou moins naturelles et spontanées en fonction des personnes et des moments de la vie de chaque personne, déterminant ainsi la qualité et le style d’écoute pour chaque échange.

Voici les 6 attitudes d’écoute de Porter :

1. L’attitude Évaluation-Jugement : cette attitude nous positionne dans la figure du juge et positionne notre interlocuteur dans la position du jugé. Nous sommes dans cette attitude lorsque nous sommes dans le jugement et la critique, critique aussi bien positive que négative. Cette attitude nous place, dès lors, dans une position de pouvoir par rapport à l’autre. Cette attitude peut engendrer des réactions violentes et négatives de la part  de personnes qui ne souhaitent pas être jugées ou qui ne comprennent pas et n’admettent pas l’attitude de jugement. A ne pas mettre dans les mains d’un coach débutant, l’attitude d’évaluation-jugement peut parfois être utilisée en séance, par un coach expérimenté, afin de provoquer volontairement une réaction. A manipuler toutefois avec beaucoup de précautions et de sagesse.

2. L’attitude d’interprétation ou art de l’herméneutique. Autre attitude de pouvoir à l’égard d’un tiers, puisque celui qui « interprète » connait au moins un langage de plus que celui qui est le sujet-objet de l’interprétation. Très usité chez les coachs et les psychologues, tout l’art de l’interprétation réside dans la mesure et la discontinuité. Dans le cas contraire, les réactions peuvent être très négatives et violentes : refus d’être mis à nu, rapport de force direct, posture d’adversité. Une bonne maîtrise de l’interprétation, dans une séance de coaching, peut néanmoins avoir le gros avantage de « touché juste » et permet parfois de gagner beaucoup de temps en allant à l’essentiel. On ne peut toutefois jamais écarter le risque d’une interprétation faussée.

3. L’attitude de soutien et de relation d’aide : il s’agit de la métaphore du tuteur ou l’image de la béquille. L’attitude de soutien consiste, pour l’autre, à s’en remettre entièrement à l’accompagnant le temps d’une réhabilitation, d’un mieux-être, ou d’une autonomisation de la personne. Il n’est pas recommandé, pour un coach, de soutenir en continu une personne, de part le risque de dépendance, ou de relation fusionnelle, que cela peut générer vis à vis de lui. Ce type d’attitude nécessite beaucoup de vigilance et une bonne prise de distance sur le travail effectué, à fortiori lorsque celui-ci se prolonge sur plusieurs semaines ou plusieurs mois.

4. L’attitude d’investigation ou d’enquête : l’enquêteur, l’inspecteur, autres types de figure du pouvoir et de l’autorité sur un tiers. Dans des temps plus reculés, cela pouvait prendre le nom d’inquisiteur. Attitude qui doit donc également être maniée avec précaution et parcimonie, entre les mains d’un coach expérimenté. Le contexte d’un coaching diffère par exemple de celui d’une enquête en sociologie.

5. L’attitude « orientée solutions » : là aussi nous avons les « pour » et les « contre ». Ce type d’approche peut avoir des résultats positifs dès lors que l’accompagnant a pris le temps nécessaire pour identifier clairement les enjeux de la demande et les besoins car, à défaut, si la solution n’est pas celle attendue elle pourra tout simplement être rejetée en bloc, coach avec. L’attitude « orientée solutions » fonctionne mieux avec une approche très outillée de l’accompagnement des personnes et des équipes, et s’intègre volontiers dans des approches centrées sur les résultats.

6. L’attitude de compréhension (ou empathique) : cette attitude est certainement la plus utilisée, et la plus recommandable, dans les métiers de l’accompagnement, du coaching, de la relation d’aide ou de la psychothérapie. Elle institue de fait un rapport d’égalité : un écoutant et un écouté, qui peuvent à tour de rôle être écoutants et écoutés.  C’est, en ce sens, la principale attitude pour favoriser et permettre à son interlocuteur une expression libre et sans jugement dans un contexte donné. Je souligne ici la question du contexte qui est très importante : s’improviser « empathique » et avoir une attitude « psy » ou « coach » forcée avec son entourage, sa famille ou ses amis, sans être sollicité, revient à faire preuve d’une certaine forme de violence et d’intrusion et peut avoir des effets inverses à ceux escomptés.  Cette attitude ne s’improvise donc pas, elle se travaille en situation.

Pour finir, voici quelques conseils que le maître de la relation d’aide donne à ses élèves et futurs élèves thérapeutes (ce qui vaut tout aussi bien pour les coachs et futurs coachs de mon point de vue) :

« Nous avons établi que le thérapeute a le maximum d’efficacité s’il est :

– sincère, intégré, d’une réalité transparente totale dans ses rapports avec le client;

– s’il accepte celui-ci comme une personne indépendante et différente et accepte aussi tous ses aspects changeants au fur et à mesure qu’ils trouvent leur mode d’expression;

– s’il manifeste une empathie totale dans la compréhension qu’il a de lui, c’est-à-dire s’il voit le monde par les yeux de son client. »

Le développement de la personne, Carl Ransom Rogers, Dunod-InterEditions, Paris, 2005, pp 255-256

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Bibliographie recommandée par l’auteur

Le développement de la personne, Carl Ransom Rogers, Dunod-InterEditions, Paris, 2005

A propos de l’auteur

Cet article a 6 commentaires

  1. Christophe

    Ce livre est une bible qui devrait faire partie des lectures incontournables pour tous les accompagnants.

    Merci de ce partage Norbert.

    1. Norbert Macia

      Tu as 100 fois raison Christophe, je me demande également pourquoi il ne figure pas au programme scolaire des jeunes. Comme si ce genre de choses étaient moins importantes que des définitions fastidieuses, et autres formules apprises par cœur, dont l’utilité pratique dans la vie relationnelle d’un adulte a autant d’importance que la maîtrise du houla-up ou l’art du crochet dans la recherche d’un emploi aujourd’hui. Bref…

      Merci à toi d’être passé par ici. Bon dimanche

      Norbert

      1. toto

        C’est tellement vrai!!!

  2. RelationPlus

    Merci Norbert pour cet excellent article qui permet une nouvelle perspective concernant l’écoute.

    À moins point de vue, de nombreuses personnes oublient de s’écouter soi-même au sujet de leur propre sentiment, de ce que qu’ils sont en train de penser, de dire, de vouloir, etc.

    Ils forcent ainsi l’autre à développer son écoute afin de pouvoir parler et ainsi s’oublier soi-même dans leur propre expérience.

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