L’éthique du coach

Norbert Macia – lundi 22 octobre 2012 – Coaching   


« L’éthique du coach » par Norbert Macia

www.norbertmaciacoach.com

Nous parlons éthique, pensons éthique, construisons éthique, sans le plus souvent en avoir conscience : c’est-à-dire être au fait de l’importance de la place de l’éthique dans notre propre vie. Quels points communs peut-il, par exemple, y avoir entre le coaching, l’éthique et l’amitié ?

Il est fréquemment question de l’éthique du coach, mais qu’en est-il au juste de l’éthique dans la vie quotidienne ou en regard de l’expérience de l’amitié ? Que serait un coaching éthique ? Pour tenter de jeter des passerelles entre ces différents aspects de choses qui nous concernent, je vous propose d’aborder la question sous l’angle d’un sentiment, une aspiration, un choix que nous connaissons et faisons tous dans notre vie : l’amitié.

_

L’éthique du coach

_

Nous y sommes, en effet, tous attachés à l’amitié car précisément l’amitié se construit dans l’attachement.

L’Homme se « réfugie » en amitié, ou en amour, lorsqu’il est en quête de sens, de renaissance, d’éternité, de liens, ou bien lorsqu’il se trouve dans le besoin de s’affranchir, d’une certaine manière, de l’existence dans ce qu’elle peut avoir de dur, rugueux, blessant, en ce sens que l’existence n’est ni refuge, ni confort, ni éternité.  Exister, exsistere, c’est  être « hors de soi ». Ça n’est pas le confort ou la routine , l’amour ou l’amitié le sont, ou les servent, parfois. Le fait d’exister met en péril d’une certaine façon, à chaque fois, quelque chose de notre être, et nous confronte à un risque, une angoisse, une mise en abîme.

L’amitié peut ainsi devenir un moteur, ou un frein, au sentiment d’ « exister » de par ses caractéristiques d’inclination et d’élection. Frein, lorsqu’elle nous love dans le refuge (toujours provisoire), la caresse d’un bonheur éphémère à l’abri des secousses existentielles. Moteur, lorsque nous décidons de répondre à la somation existentielle par un dépassement de soi, une transcendance des évènements et accidents de la vie. Dans le langage courant, nous appelons cela « faire face ». Que ne ferions-nous pas alors pour un ami ou un être cher dans le besoin ?

L’amitié peut également contribuer à une redistribution des « cartes relationnelles » dans cette grande partie de poker qu’est la vie :   Pierre, ami de longue date, n’est plus mon ami. Une place est vacante, je m’aperçois quelques temps après que Jacques, connu depuis peu ou retrouvé, (re)devient mon ami…

On dit d’un véritable ami qu’il est à vos côtés dans les moments difficiles, et c’est vrai (parfois), et c’est très bien ainsi (aussi).

_

Qu’en est-il à présent de l’éthique du coach dans sa pratique, qu’est-ce que serait un coaching éthique ?

Je souhaite ici souligner un point qui me parait important : ce dont un coach a besoin pour exercer son métier correctement n’est ni l’amitié (le coach n’est pas le pote du coaché), ni l’affection (le coach n’est pas le p’tit ami du coaché ou un membre de sa famille), ni même la compassion ou la sollicitude (le coach n’est pas le médecin traitant, ni le psychanalyste, pas plus que le prêtre du village ou son contrôleur Urssaf  [pour la compassion] ).

Non pas que l’amitié soit une vilaine chose, bien au contraire, mais elle engage les affects. Or, la question vis à vis de la pratique du coaching serait : que viennent faire les sentiments dans le coaching ?

Un coach a principalement besoin de détachement (et non d’attachement) pour être au plus près (paradoxalement), sans « fusionner » avec ce qui se passe, de ce qui se présente dans l’ « ici et maintenant », c’est-à-dire le présent; en soutenant cette juste distance, dans un espace que nous appelons « rencontre »,  tout en étant capable d’induction (lorsque cela est nécessaire), d’exploration, de reformulation, de force de proposition. Ceci relève bien évidemment de l’éthique de chaque coach, et cela comprend, à mon sens, une vigilance permanente vis à vis de soi à l’égard de tout sentiment d’amitié vis à vis de la personne coachée.

L’éthique relève ainsi de l’appréciation et des choix personnels par delà les normes et les lois du « On ». Elle concentre l’action de décider et d’apprécier cette décision prise, de pretium,   « déterminer le prix, la valeur de quelque chose », à l’aune de sa propre échelle de valeurs

Éthique renvoie, par essence, à habitude « du grec ethos », et mœurs « du latin mores ». L’éthique c’est donc une manière d’être, un ensemble d’expressions, d’habitudes, de choix, en relation à la pratique de distinction du bien et du mal qui est, à ce stade, toujours personnelle et individuelle. C’est avant tout une manière d’être propre au sujet dans sa capacité à penser et faire des choix; et se distingue ainsi de la déontologie et la morale, qui elles sont tournées vers des pratiques professionnelles, des choix de vie d’un groupe, une communauté ou une société.

_

Dans un coaching éthique, il y aurait donc toujours nécessité de discerner les plans car discerner  c’est « séparer », « distinguer ».

Il y a, dans toute relation de coaching, dans toutes relations humaines, un risque de confusion et de manipulation y compris lorsque cela « part de bons sentiments », lorsque « c’est pour ton bien… », y compris lorsque nous partageons une relation d’amitié ou une relation privilégiée.

Un coach est très souvent concerné par ce que j’appelle les « fusions-acquisitions relationnelles », les manipulations et détournements, ou pour le dire plus simplement : la séduction. De mon point de vue d’ailleurs (ceci est une petite parenthèse) : parler de coaching-séduction est pure aberration… ou bien les mots que nous utilisons ne veulent alors plus rien dire !

Seul un rapport clair à notre éthique, doublé d’une aide omniprésente de tiers, peuvent nous permettre de tendre vers une pratique saine. C’est aussi une manière (éthique) de réinvestir le coaching dans ce qui peut faire autorité en lui, tout comme pour l’Ethique chez Aristote, à savoir : « (…) la manière dont l’être humain accomplit son « œuvre » d’être humain (ce que Pavese a appelé le « métier de vivre »), c’est-à-dire la manière dont l’être humain cherche à atteindre le « bien humain. » » (2)

_

Bibliographie recommandée

_

_

1. Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois , Éditions des Presses Universitaires de Grenoble, 2004

2. Éthique à Nicomaque, Livre VI, Aristote, Traduction Philippe Arjakovsky, Éditions Agora Pocket, 2007

_

L’auteur

Norbert Macia, Éducateur sportif de son premier métier, après 10 années d’expérience dans le secteur du sport et des loisirs, Norbert Macia se reconvertit, en 2006, au coaching professionnel auprès des particuliers et des entreprises. Diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence en 2005, il s’oriente vers un troisième cycle universitaire en coaching qu’il obtient en 2006 à la Faculté d’Économie Appliquée d’Aix-en-Provence.

[Portrait de Norbert : Studio Italiano.fr]

www.norbertmaciacoach.com

_

Mise en ligne : 22 octobre 2012


A propos de l’auteur

Laisser un commentaire