Quelles sciences humaines ?

Norbert Macia – lundi 17 décembre 2012 – Sciences Humaines   


 » Quelles Sciences Humaines ? « par Norbert Macia

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La distinction sur laquelle repose la séparation entre sciences naturelles et sciences humaines s’est construite autour d’une différence fondatrice entre nature et culture. Cette différence instituée montre, d’une part, les sciences relevant du domaine naturel (biologie, physique, physiologie…) et, d’autre part, celles s’intéressant à l’homme dans son rapport au monde (histoire, sociologie, psychologie…).

 

Sciences humaines

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Cette différence entre animalité, naturalité, inné d’un côté, et, humanité, acquis, de l’autre côté, fonde la culture comme résultat humain premier. « La culture est dans son sens premier agri-culture car l’homme ajoute à la nature, engraisse la terre, greffe des espèces, apporte sa marque spécifique par le travail. L’homme cultive la nature pour la mettre en valeur, la faire croître. Toute culture est donc médiation par l’homme de la nature. » (1)

La culture possède également un autre sens, additionnel, « méta-culturel », qui est celui de « rajouter à soi à partir de soi ». L’enrichissement culturel est, en ce sens, enrichissement de la culture de soi à partir de la culture des autres ; et, enrichissement de la culture des autres à partir de la culture de soi.

« Nous sommes les autres ! » (Henri Laborit).

« La culture au sens spirituel du terme est élévation et travail de l’âme. Se cultiver, c’est prendre son esprit pour un sol fertile et y faire germer des idées. Développée à son terme cette « culture » des idées devient « philosophie ». (1)

Toute culture est donc médiation entre un matériau premier et l’homme. Les sciences humaines sont, non pas des sciences naturelles, mais bien des sciences culturelles parce que médiatrices : de soi à soi, de soi au monde, du monde à soi, de soi à soi.

La culture est aussi ce qui fonde la norme, la règle, la loi. Ainsi, les sciences naturelles ou humaines partagent dès lors le même objet : « dégager des généralités récurrentes, définir des concepts. »

Claude Lévi-Strauss nous démontre, dans Structures élémentaires de la parenté (1949), comment l’interdiction de l’inceste, tout en favorisant échanges et communication dans le groupe, fonde le passage de « l’état naturel » à « l’ordre culturel ».

Il s’agit en fait de la question de la pacification des relations entre les hommes. Il s’y agit aussi, en lieu et place d’oppositions entre nature et culture, de force de proposition, de relations : la seconde (culture) venant à présent favoriser le développement de la première.

C’est parce que l’on consent au débat contradictoire, à la perception claire des rapports de forces, des enjeux, des intérêts, que notre nature humaine s’harmonise au mieux avec les nécessités, parfois contradictoires, d’une culture groupale. A savoir, une nécessaire promiscuité d’horizons différents.

Freud en parle en ces termes : « (…) le mot « culture » désigne la somme totale des réalisations et dispositifs par lesquels notre vie s’éloigne de celle de nos ancêtres animaux et qui servent à deux fins : la protection de l’homme contre la nature et la réglementation des relations des hommes entre eux. »(2)

Effectivement, lorsqu’une ou plusieurs cultures se côtoient il arrive, bien assez tôt, que ce pose la question des limites et du territoire réactivant la nature animale en l’Homme. L’actualité nous le rappelle quotidiennement. Or, c’est cette question qui amène les hommes à créer des instances d’arbitrage par la mise en place de règles communes.

La nature permet donc à la culture de se développer et l’homme de préserver la nature dans un mouvement -de va et vient- entre nature et culture que les sciences humaines ont, à partir du XVIIIème siècle, symbolisé via l’arbitrage et la norme.

Comment comprendre alors les sciences humaines, objectivées de la même manière que le sont les sciences naturelles, alors même que celles-là relèvent principalement du domaine de la subjectivité contrairement à celles-ci ?

Un objet d’étude ne reste-t-il pas, avant tout, un objet d’étude et non, précisément, un sujet ? Une norme ne sollicite t-elle pas une mise entre parenthèses du sujet individuel au profit du contrat, du groupe ?

La question du « territoire » des sciences, en général, celle des sciences humaines et sociales, en particulier, et, plus avant, celle des problèmes du rationalisme, de la distance entre sujet et objet, déjà posées par Descartes dans ses Méditations, interrogent la métaphysique et la philosophie : « Ainsi toute la Philosophie est comme un arbre dont les racines sont la Métaphysique, le tronc est la Physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la Médecine, la Mécanique et la Morale. »

Jean-François Dortier, intitule son avant-propos au dictionnaire qu’il a dirigé : « Les sciences humaines sont parmi nous ». Plus loin,  Goethe y fait également une apparition : « Grise est la théorie, vert est l’arbre de la vie ». (3)

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Bibliographie recommandée

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1. Éléments de culture générale, Emmanuelle Huisman-Perrin, Thierry Leterre, La documentation française, CNED, Paris, 1994

2. Le malaise dans la culture, Sigmund Freud, Éditions PUF-Quadrige, Paris, 1995_

3. Le dictionnaire des sciences humaines, sous la direction de Jean-François Dortier, Éditions Sciences Humaines, Auxerre, 2004

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L’auteur_

Norbert Macia, éducateur sportif de son premier métier, après 10 années d’expérience dans le secteur du sport et des loisirs, Norbert Macia se reconvertit, en 2006, au coaching professionnel auprès des particuliers et des entreprises. Diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence en 2005, il s’oriente vers un troisième cycle universitaire en coaching qu’il obtient en 2006 à la Faculté d’Économie Appliquée d’Aix-en-Provence.

[Portrait de Norbert : Studio Italiano.fr]

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Mise en ligne : 17 décembre 2012


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