Le coach

Denis Fourrière – dimanche 9 septembre 2012 – Coaching  - 1 Commentaire


Je suis resté impuissant devant ce gamin de 20 ans pendant les deux premières séances de coaching. Il m’était envoyé par un ami, travaillant dans l’insertion des jeunes qui ne savait plus quoi faire avec lui.

En deux séances, il a bouleversé mes certitudes, balayé d’un revers de main tout ce que j’essayais d’appliquer dans mes séances de coaching au niveau de l’accueil, de la demande, du questionnement etc.…_

Le coach

Le deal du départ était pourtant bon, il avait demandé à voir un coach, il avait entendu parler de ça. J’étais certainement son Domenech à lui, certainement une expérience supplémentaire pour lui et surement un passe temps lui permettant de rester un peu plus longtemps dans cette structure où il était « tombé ».
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La rencontre fut belle, en me serrant la main, il m’envoya un retentissant « salut ! C’est toi le coach ? ». Le « Bonjour » un peu sec et le « Asseyez-vous, s’il vous plait » qui sortirent de ma bouche furent aussi incongrus que son salut et eurent pour effet de nous mettre l’un et l’autre très mal à l’aise. Pendant deux séances rien ne sortit véritablement de lui sauf peut être cette barrette de shit, quand on aborda le sujet de la rémunération à laquelle tenait l’ami qui me l’avait envoyé.
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A la fin de la deuxième séance, je lui demandai de réfléchir une nouvelle fois sur ce qu’il voulait qu’on aborde ensemble au niveau de sa vie, de ses projets, de son avenir. J’avais bien expliqué préalablement pendant les deux séances en long, large et travers ce qu’était un coach. J’avais parlé de l’accompagnement qui pouvait être le mien.
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A chaque fois il me comparait à tous les travailleurs sociaux qu’il avait rencontrés et à chaque fois je recadrais, espérant l’étincelle. Il affirma vouloir réfléchir à la question, ce qui m’arracha un sourire involontaire. Etait il  de joie, de moquerie, d’espérance, de pitié, je dois avouer que je me suis posé la question jusqu’au rendez vous suivant ?
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Quand il est arrivé pour cette troisième séance, calme, tranquille, comme à son habitude et après mon « Alors, vous avez réfléchi à ce dont on a parlé la semaine dernière ? », son « Boff » m’a fait sortir intérieurement de mes gonds. Je regardai le soleil luisant dans la rue et, saisissant mon sac, mon appareil photo et ma canne, je lui lançai « Allez ! On va parler en marchant ! ».
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Le bureau de mon ami était tout près du parc et il me fallait de l’air, du soleil, de la marche, certainement aussi bouger pour deux ! Au bout d’un moment je lui propose de porter mon appareil photo, en lui disant « et puis si tu as envie de prendre une photo ne te gêne pas ! » sa réponse fut cinglante « Hé ! M’sieur le Coach tu me dis tu ?  Je sais pas m’en servir, moi,  de ton appareil ». C’était la première fois qu’il s’impliquait, relevant mon tutoiement et affirmant son incompétence en matière de photos.
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Sans rien laisser paraitre, je jouai le tout pour le tout et commençai sur un banc du parc, assis à ses cotés, à lui expliquer le fonctionnement « automatique » de l’appareil. Et il prit sa première photo. Après une petite balade dans le parc au cours de laquelle il se mit doucement à parler en prenant des photos, je lui proposai de retourner au bureau et de regarder les photos sur l’écran de mon ordinateur.
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Le sourire qui accompagna son « Oui » me fit oublier les deux premières séances de son coaching. Il sélectionna ses photos, on les imprima, et sur chaque photo je lui demandai de commenter, de dire pour quoi (et non pourquoi) il avait pris cette photo. A chaque fois une blessure, une joie, une idée, un rêve arrivait.    Deux séances plus tard, un projet naissait dans sa tête, le coach s’effaça, l’ami travailleur social qui me l’avait envoyé prit le relai et un jour me remit une grande enveloppe dans laquelle était un agrandissement de sa première photo.
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J’ai raconté cette histoire au cours d’un séminaire de dirigeants de PME pour répondre à une personne qui me demandait quels outils on employait pour coacher. La question avait été complétée par un autre participant qui avait rajouté « avec tous les outils psychologiques qu’on voit fleurir comme la PNL, le 360°, le coaché doit souvent être manipulé ».
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J’ai alors repoussé mes notes et ai commencé ma réponse de cette façon « Il y a beaucoup d’outils pour coacher, je vous l’accorde, mais l’outil principal me semble être le coach lui-même ; le coach avec sa vie, ses connaissances, son expertise, sa formation de coach, son rattachement à une fédération et à une déontologie forte.
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Avant tout, le meilleur outil du coach c’est lui, avec ses passions, son humilité et surtout son écoute de l’autre, de ce qu’il dit, de ce qu’il ne dit pas, c’est lui avec sa volonté d’accompagner l’autre d’un point bien connu vers un point que le coaché définit … C’est peut être aussi tout simplement un appareil photo, passion du coach. A ce sujet je peux vous raconter une de mes expériences …._
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A propos de l’auteur

Cette publication a un commentaire

  1. Frédérique Cléach

    Bonjour,

    J’ai beaucoup aimé votre façon de relater avec humour l’évolution de la relation entre ce jeune et vous, de dire combien vous étiez démuni et comment vous avez réussi à créer un lien avec ce jeune en écoutant ce que vous ressentiez. Et vous le dîtes très bien, le premier outil est le coach lui-même.
    Bien à vous,
    Frédérique Cléach
    Coach et consultante RH

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