Bases méthodologiques du coaching et éthique du faire

Norbert Macia – vendredi 5 janvier 2024 – Coaching   


l'aventure du projet de vieIntroduction

Si je devais aujourd’hui définir le coaching, face à l’hétérogénéité qui le compose, que ce soit pour de bonnes, de moins bonnes ou d’exécrables raisons, je dirais qu’il est :

  1. Une pratique professionnelle en évolution constante : est coach celui, ou celle, qui est capable de vivre de sa pratique en sachant la faire évoluer, c’est-à-dire l’améliorer en la rendant la plus efficace possible face aux attentes de ses clients. Nous changeons avec le temps et notre pratique professionnelle évolue au fil des expériences et des épreuves de la vie : le temps est ce qui nous fait passer dans la vie et changer notre regard sur le monde.
  2. Une pratique professionnelle, qui est aussi l’autre versant de la posture éthique du coach que celui-ci entretient et nourrit tout au long de son parcours professionnel : garantir du mieux possible, pour ses clients, les conditions de cette éthique du faire.
  3. Une technique d’accompagnement singulière qui est avant tout le reflet d’une personne, de sa volonté ou intention : au carrefour de la thérapie, de la marqueur pédagogie et de la facilitation, le coaching est une pratique de la relation d’aide orientée sur des objectifs formulés, ou formulables.

Nous faisons du coaching avec ce que l’on nous a transmis et avec ce que nous faisons de ce que l’on nous a transmis, cependant que la relation reste première. C’est l’invariant du coaching : savoir prendre soin de la relation de confiance dans le coaching, savoir la remettre en question lorsque cela est nécessaire.

« C’est la relation qui est première dans l’accès à l’humanité. Et ce qui est en jeu dans cette relation, c’est la vie que j’ai reçue et que je transmets à d’autres après l’avoir réinterprétée de manière singulière. » Jean-Claude Ameisein, médecin, immunologue et biologiste français.

En résumé, par « bases méthodologiques du coaching et éthique du faire » je conçois : 1) une attention portée à certaines choses très précises, 2) une interrogation vis-à-vis de tout ce qui s’interpose dans la relation entre le coach et son client, 3) une écoute et une compréhension juste de ce qui se joue, au présent, dans la relation de coaching.

La notion de dépouillement : l’abandon de l’outillage ou sa juste utilisation.

Si nous nous servons, pendant plusieurs heures, d’un marteau ou d’un tournevis, nous aurons travaillé une matière grâce à ces objets, mais nous serons aussi tout autant travaillé par eux : nous serons, d’une certaine manière, affecté dans notre corps, tout comme dans notre esprit.

L’outil travaille pour celui qui s’en sert tout autant que l’utilisateur est travaillé par lui.

Je fais ce parallèle car je pense que les outils dans le coaching peuvent, certes, être utiles mais uniquement s’ils sont nécessaires à quelque chose de précis, dans un temps déterminé ; mais non lorsqu’ils sont utilisés comme paravent au travail relationnel de fond, ou en remplacement de celui-ci : l’utilisation d’une méthode, un outil, un exercice, doit servir un objectif concret à l’intérieur de la relation de coaching, dans un temps limité, alors que la relation, elle, produit d’elle-même des effets de travail qui ne peuvent, eux, se substituer aux outils de travail du coaching.

Il me semble donc essentiel de bien distinguer ces deux niveaux et se demander si l’utilisation d’outils dans une relation d’accompagnement de type coaching est bien nécessaire, ou bien si la rencontre avec son client et la conversation qui en découlera, dans des conditions préalablement et adéquatement créées, ne se suffiront pas à elles-mêmes : c’est aussi ce que le psychologue américain Carl Rogers désigne, dans la relation d’aide, par « attitudes psychologiques facilitatrices » et « principe d’actualisation ».

« L’individu a en lui de vastes ressources qui lui permettent de se comprendre lui-même, de modifier la représentation qu’il a de lui-même et partant, ses attitudes et le comportement qu’il se dicte à lui-même. Cependant, ces ressources ne sont accessibles que si l’on peut offrir un certain climat définissable fait d’attitudes psychologiques facilitatrices. »

Refuser de savoir à la place de l’autre : s’autoriser à être.

Se mettre à la place de l’autre en position de sachant (je ne fais bien évidemment pas référence ici à la notion d’empathie) renvoi, de mon point de vue, à une autre posture de l’accompagnement plus proche de celles du conseil, du tutorat, ou bien encore du mentorat.

Celui qui sait le mieux ce qui est bon et pertinent pour lui-même est bien le client qui, pour des raisons qui lui sont propres, ne s’autorise pas (encore) à savoir : il se refuse, consciemment ou inconsciemment, à l’accès, à la viabilité d’une solution originale ou d’une direction nouvelle.

  • Si le refus est conscient : le client est peut-être dans une tentative de manipulation ou bien le climat de confiance n’est pas encore solidement établi.
  • Si le refus est inconscient :  le client est certainement dans une forme de souffrance ou de déni, un besoin de revendication ou de confrontation.
  • Cette liste est toutefois non exhaustive, pour la simple et bonne raison que parfois on ne comprend tout simplement pas ce qui se passe et qu’il est important, dans ces moments-là, d’en avoir conscience et de l’accepter.

Coacher une personne c’est, en ce sens, créer du mieux possible les conditions qui vont effectivement lui permettre d’accéder à ce savoir manquant, à cette dynamique de changement que j’aime aussi appeler « viabilité » dans le sens de « voie de navigation » possible et praticable.

Qu’elles sont les conditions de la relation de confiance ?

C’est ici que je pense que le coaching est une pratique aidante puisque l’aide apportée consiste dans le fait de retrouver, l’espace d’un temps donné, les conditions nécessaires à l’ouverture aux possibilités existentielles d’une personne : actualisation, acceptation, compréhension, autorisation, choix, décision, action.

C’est ce que je disais déjà, en 2018, dans mon article « Coaching et accompagnement : mon point de vue ».

Quelles sont ces conditions préalablement nécessaires à l’établissement de la relation de confiance entre coach et coaché(e) ?

1. Les conditions de l’accueil du client :

  • Se sentir accueillit, c’est comprendre que l’autre nous attend dans un espace dédié et créé pour nous.
  • Se sentir écouté, c’est comprendre que l’autre ne se limite pas à nous écouter mais bien que nous soyons réellement compris dans notre entièreté d’être : ce que nous disons à tout autant d’importance que ce que nous ne disons pas. La « musicalité » d’une personne est ce qui doit être perçu et compris.
  • Se sentir compris, c’est constater que l’autre est « de notre côté », avec nous, et qu’en ce sens ne nous sommes pas un étranger pour lui mais bien un être familier : la compréhension génère le sentiment de familiarité et le rapprochement nécessaires à l’établissement de la confiance.

2. La suspension du jugement vis-à-vis du client : autoriser l’autre à être ce qu’il est et dire ce qu’il souhaite en lui faisant confiance, en faisant confiance à son « fond positif », à sa capacité de changement et à son humanité.

3. Savoir générer, par notre attitude, par notre capacité à créer les conditions de l’accueil et par notre présence un sentiment de confiance renforcé sans lequel le client ne s’autorisera pas à aller à l’essentiel ou bien à l’intime.

Baliser le cheminement : éclairer les pas et témoigner du chemin parcouru.

Savoir choisir les modèles et les exemples qui pourront venir illustrer, éclairer, les étapes de l’accompagnement : donner du sens aux apports du client, ce qui aura pour but de l’encourager indirectement tout au long du processus.

Le regard positif porté sur le client participe également de son changement : être regardé, c’est être reconnu d’une façon toujours singulière.

Le coach est alors le témoin du processus de changement et il peut, en ce sens, témoigner de la reconnaissance : le renforcement positif n’est ni limitant, ni offensant, pour le client alors que la condescendance, ou le feedback négatif, le sont la plupart du temps.

Toute personne qui a, par exemple, couru un marathon ou parcouru une distance longue, sait qu’il est souvent « plus naturel » au cœur de l’effort, de s’appesantir en pensant à la distance qu’il nous reste à parcourir, alors qu’il est beaucoup moins évident de regarder en arrière pour s’enthousiasmer de la distance parcourue.

« Lorsque vous ne savez pas où aller, regardez d’où vous venez. »

Qu’est-ce qu’une demande de coaching ?

La compréhension claire et précise de la demande de coaching du client permet de comprendre aussi si celle-ci relève bien d’un coaching, que le coach pourra prendre en charge, ou bien s’il est préférable de réorienter le client vers un autre professionnel de l’accompagnement.

Il est important de justifier toute acceptation, ou tout refus-réorientation, auprès du client : ce qui est un signe de considération dans les deux cas.

Il est important de comprendre que nous ne pouvons pas accepter toutes les demandes puisque nous sommes, nous-mêmes et par principe, compris dans nos propres limites.

Connaitre nos propres limites, c’est en ce sens être déterminé dans une certaine posture : l’attitude juste prépare à l’action juste.

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