L’art de la question dans le coaching (et ailleurs…)

Norbert Macia – lundi 2 décembre 2013 – Coaching, Efficacité personnelle   


la question dans le coachingLa question dans le coaching

La forme et le fond

Le sujet de la question dans la pratique du coaching peut paraître futile tant cela tombe sous le sens que pour accompagner une personne, très tôt dans l’échange, nous sommes amenés à poser des questions. Nous le faisons car nous devons savoir qui est notre interlocuteur, dans quel contexte s’inscrit sa demande etc, etc… Oui, mais..

Cet article est directement inspiré d’une histoire vraie, constat de l’observation médusée d’une consœur téméraire « interrogeant »  une personne dans le cadre d’un accompagnement individuel. Mes bras ont littéralement faillis tomber par terre et mes yeux sortir de leurs orbites lorsque « l’interrogatoire »  débuta… Sans plus m’étendre ici sur le contenu des échanges (là n’est pas mon sujet), il est important de relever, dès à présent, cette première différence entre : « interroger » et « poser des questions ».

La forme est en effet ce qui va permettre de mobiliser le fond et faire émerger des éléments, qui peuvent être réactionnels, et ce dépendamment de la manière (formes) dont  le fond aura été sollicité et mobilisé.

« Interroger » fait immanquablement et graduellement songer à « interrogatoire », « autorité », « soumission », « violence », « vulnérabilité », « atteinte », etc, etc…

Interroger, nous dit le dictionnaire d’usage, c’est « questionner (quelqu’un) avec une certaine idée d’autorité  » alors que « interrogatoire »  accentue encore cette caractéristique, en soulignant l’aspect d’autorité, sous la forme d’un « mode d’instruction »  déterminé.

Pour le dire autrement en repositionnant le problème sous l’angle du coaching : au plus, de part notre attitude et manières de faire, nous « interrogeons » une personne, au plus nous positionnons -inconsciemment- l’autre dans un rapport de subordination et d’infériorité. C’était le cas de la consœur électrique… (Sic semper tyrannis).

 Poser des questions dans le coaching

« Poser des questions » suppose, à l’inverse, de se poser soi-même au travers des questions posées. Les coachs ne sont pas censés se positionner comme des psy contrariés, des agents fédéraux ou je ne sais quelle autre figure de l’autorité !

« Poser des questions », c’est se poser soi-même en offrant des possibilités de réflexions et d’ouvertures pour l’autre ET pour soi-même. Le chemin se fait en cheminant, pour l’autre comme pour soi.

Lorsque l’on observe de près les mises en situation dans le coaching, on se rend compte qu’il existe plusieurs manières de poser des questions à son interlocuteur, à travers desquelles il est aisé de repérer deux méta-catégories :

  1. Les questions directes
  2. Les questions indirectes

Desquelles nous pouvons décliner les principales catégories suivantes :

  • Pour les questionnements directs : la parole et le discours prédominent,
    • Questions ouvertes (Comment avez-vous….),
    • Questions fermées (Souhaitez-vous….),
    • Questions de reformulation (Si je vous ai bien compris, vous me dites que….),
  • Pour les questionnements indirects : l’attitude, le corps, l’intentionnalité prédominent,
    • Le silence,
    • L’observation questionnant,
    • La posture basse (ou retrait),

Le but de la question dans le coaching

Les questions doivent permettre une « complétude de l’exploration » par un approfondissement du travail de questionnement pendant la phase d’anamnèse.

Il s’agit donc d’avoir une qualité de l’anamnèse suffisamment grande, pour comprendre au mieux les tenants et les aboutissements de ce qui est en jeu (c’est-à-dire « en mouvement »). En ce sens, les questions posées doivent être d’une grande précision, sans faire violence, et non pas relever de la course d’orientation ou du jeu des devinettes.

Une question ouverte du type « Comment avez-vous su que vous n’étiez plus motivé ? », doit permettre à l’interlocuteur de développer son raisonnement, d’apporter des matériaux utiles et nécessaires au coaching.

Une question fermée du type « Vous êtes certaine que vous ne le regrettez-pas ? », doit servir à nous apporter une confirmation qui peut parfois être utile, voire nécessaire, dans une prise de décision ou bien remettre en question quelque chose qui semblait pourtant acquis.

Lorsque certaines personnes sont amenées à prendre des décisions importantes, du fait d’être en train de traverser une transition de vie, ou une reconversion professionnelle, les questions posées revêtent alors une importance singulière puisqu’elles doivent permettre de faire émerger ce qui est en jeu dans la transition ou en jeu le besoin de se reconvertir.

A l’école des inquisiteurs

Si toutefois vous préférez la voie de la tyrannie, il est alors important de frapper à la bonne porte.

Voici donc les principaux préceptes et conseils tirés du croustillant Abrégé du manuel des inquisiteurs de l’Abbé Morellet datant de 1762 (1). Je vous livre ici l’extrait qui traite des huit principales façons, qu’ont les hérétiques, de tromper les inquisiteurs qui leur font subir l’interrogatoire (notez que ça peut toujours être utile si l’on se trouve du côté des hérétiques…) :

  1. L’équivoque : « Leur premier artifice est l’équivoque (…) Ou si on leur demande : « Croyez-vous que Jésus-Christ est né d’une vierge? », ils répondent « fermement », entendant par là la fermeté avec laquelle ils persistent dans leur hérésie. »
  2. La restriction mentale : « Le second artifice qu’ils mettent en usage est l’addition d’une condition qu’ils sous-entendent – la restriction mentale – comme quand on leur demande : « Croyez-vous la résurrection de la chair ? – Oui, s’il plaît à Dieu », répondent-ils, entendant qu’il ne plaît pas à Dieu qu’ils croient ce mystère. »
  3. L’interrogation : « Leur troisième méthode est de rétorquer l’interrogation. Ainsi, si on leur demande : « Croyez-vous que l’usure soit un péché? », ils répondent : « Et qu’en croyez-vous vous-même? » On leur dit : « Nous croyons avec tous les catholiques que l’usure est un péché ». Alors ils ajoutent : « Nous le croyons aussi »; sous-entendez : « …que vous le croyez. »
  4. L’admiration : « Leur quatrième méthode est de répondre par l’admiration. Aussi, si on leur demande : « Croyez-vous que Jésus-Christ se soit incarné dans le sein d’une Vierge ? » ils répondent : « Oh, mon Dieu ! pourquoi me faites-vous de semblables questions ? (…) Je suis chrétien, je crois tout ce qu’un bon chrétien doit croire », entendant qu’un bon chrétien ne doit pas croire cela. »
  5. La tergiversation : « Ils emploient fréquemment la tergiversation, en répondant sur ce dont on ne les interroge point, et en ne répondant pas sur ce dont on les interroge. »
  6. Le détournement : « Ainsi, si on leur demande : « Croyez-vous que Jésus-Christ était encore vivant lorsqu’il fut percé d’une lance sur la croix ? » ils répondent : « J’entends dire qu’on fait de cela aujourd’hui une grande question, comme encore la vision béatifique. »
  7. La modestie et le parler-de-Soi : « Ainsi si on les interroge sur quelque point de foi, ils répondent : « Oh mon père, je suis un homme simple et peu instruit; je sens Dieu dans la simplicité, j’ignore les subtilités sur lesquelles vous m’interrogez. Vous me feriez tomber facilement dans quelque piège, et je pourrais être induit en quelque erreur. Au nom de Dieu ne me faites pas de pareilles questions. »
  8. La feinte et la ruse : « Ils feignent de se trouver mal lorsqu’ils se voient un peu pressés par les interrogatoires. Si on les en croit, ils ont la tête accablée et ne peuvent plus se soutenir sur les jambes; ils demandent qu’on les renvoie, ils vont se mettre au lit, et songent en attendant à ce qu’ils répondront (…) pour retarder ainsi la question et tromper les inquisiteurs. »

 

Bibliographie recommandée

(1) Abrégé du manuel des inquisiteurs, Abbé Morellet, Éditions Jérôme Millon, Collection Atopia, Grenoble, 2000

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