Être en chemin

Norbert Macia – dimanche 25 novembre 2012 – Philosophie  - 1 Commentaire


« Être en chemin » par Norbert Macia

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« Ce que l’Homme est, seul son histoire nous l’enseigne. » (Wilhelm Dilthey)

Qu’est-ce qu’être en chemin ? Peut-être chercher la voie juste et authentique,  pour soi, courageusement, en ayant l’intime conviction que le choix de la direction vers laquelle cette voie  nous conduit est le bon choix. C’est peut-être cela « être en chemin »…

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Être en chemin

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Être en chemin c’est écrire son histoire, mais c’est aussi participer, même modestement, à l’écriture de l’histoire du monde, et dans une certaine mesure, « être témoin » de ce qu’est et devient le monde.

Je suis, pour ma part, assez stupéfait de constater l’augmentation de la violence quotidienne dans ses multiples expressions, des plus anodines aux plus atroces (attaque au marteau pour 20 euros…). Tout comme dans l’apocalyptique film du réalisateur anglais Danny Boyle (28 jours plus tard), il semblerait que « contagion » et « violence » soient les maux de notre temps. Dans un même registre, l’anthropologue et philosophe français René Girard, nous montrait déjà la « contagion violente » pour caractériser l’« emballement mimétique» propre aux phénomènes de foules. (1)

L’histoire de l’Homme donc, son empreinte aussi. Depuis toujours  jusqu’à aujourd’hui, l’empreinte écologique de l’Homme (c’est-à-dire le rapport de la demande humaine sur l’ offre de services de la nature) s’est alourdie au point de mettre en péril l’Homme et la nature. Au point de séparer l’homme de la nature par l’artefact industriel, nucléaire ou chimique.

La très récente catastrophe (toujours en cours) de Fukushima nous en révèle (une fois de plus) la triste réalité : mise en place de zones interdites, zones d’exclusion, infertilité, isolation, désolation… Le titre du film-documentaire français de Jean-Paul Jaud, Nos enfants nous accuserons, peut, d’ores et déjà, se conjuguer au présent.

Être en chemin, c’est pouvoir faire des choix. Des choix justes pour soi et vis à vis des autres. Par ces choix, être en quête du bien commun. Le bien humain est le mouvement ou élan qui nous inclut dans la communauté humaine et permet, par là même, son développement. C’est aller à la rencontre de l’autre, l’étrange, l’étranger. « Être au plus proche, ce n’est pas toucher : la plus grande proximité est d’assumer le lointain de l’autre.  » (Jean Oury) (2)

« (…) ce que Aristote appelle « bien humain » est purement et simplement la manière dont un être humain se met en chemin afin d’être (humain) pour de bon. » in Éthique à Nicomaque Livre VI, Philippe Arjakovsky, Agora Pocket, 2007, p.8

Ne pas déshumaniser l’humain, c’est « être en chemin », et ce, même si, l’«enfer est pavé de bonnes intentions ». Le bien peut aussi produire le bien.

Qu’est-ce que le bien humain ? Qu’est ce qui peut produire le bien ?

  • Entretenir son chemin commun, notre « Home ». Prendre soin de notre demeure, chérir son équilibre fragile et pourtant vital, par des choix personnels mais aussi politiques et philosophiques, des choix de sociétés.  L’action politique nécessite, par essence, d’être individuellement au centre de l’attention, au cœur du discours.
  • Exercer sa capacité à penser et faire usage de sa pensée propre. La pensée des autres n’est pas notre pensée propre. Si chacun pense comme pensent les autres, par influence et sous-influence, il n’y a plus de pensée à proprement parler. Le On est le langage de l’indéfini, de l’inform(e)(ation), de l’inauthentique et de l’incomplétude.  Entre les médias et nous autres, les regardants-regardés, il y a toujours « écran », lorsque ce n’est pas « écran de fumée ». Ce n’est que trop rarement que la réalité de la chose dont il s’agit, prise dans son authenticité parfaite, est montrée, sans déformation(s).

« Nous apprenons à penser en tant que nous portons notre attention sur ce qu’il y a à considérer. (…) Montrer ainsi simplement est un trait  fondamental de la pensée, elle est la voie vers ce qui, depuis toujours et pour toujours, donne à l’homme à penser.» In Essais et conférences, Martin Heidegger, Éditions Gallimard, Collection Tel, 2008, pp 152-158

Qu’est-ce qui déshumanise l’humain ?

La séparation, l’exclusion, la perte de l’usage de la parole (propre de l’homme), la perte des capacités pathiques (perte de contact avec la réalité, désensibilisation, stérilisation…). Tout ce qui nous ampute et nous éloigne de notre humanité, nous déshumanise.

Voici donc la réussite et l’œuvre majeure du diable, en l’occurrence l’œuvre de l’Homme comme promoteur de l’œuvre du diable (c’est-à-dire l’adversaire, le diviseur, le  séparateur,  l’accusateur). Le diable c’est toujours l’autre, « l’enfer c’est les autres ».

Tout ce qui déshumanise, et fait que les hommes se comportent comme une meute de bêtes sauvages, oppose, accuse, divise et sépare. Cela prend parfois  la forme de « contagion mimétique » ou de rassemblements violents. René Girard nous démontre, en effet, comment le chemin de Jésus-Christ, le conduisant progressivement au temps de la Passion, temps par lequel la foule se ligue contre lui, aboutit à un mécanisme du « tous contre un » ou phénomène de bouc émissaire.

« Les fils répètent les crimes de leurs pères précisément parce qu’ils se croient moralement supérieurs à eux.  Cette fausse différence, c’est déjà l’illusion mimétique de l’individualisme moderne, la résistance maximale à la conception mimétique, répétitive, des rapports entre les hommes, et c’est cette résistance, paradoxalement, qui accomplit la répétition ». (1)

Pilate, face à une foule faisant bloc, dans la crainte d’une émeute pouvant l’atteindre en personne, renonce à sa décision d’épargner Jésus-Christ, nous dit René Girard, et offre l’ « Un » à tous. Plus étrange encore, les voleurs crucifiés en même temps que Jésus, « hurlent avec les loups », contre lui, alors qu’ils subissent un sort identique au sien.

L’homme est ainsi capable de déshumaniser ses semblables pour mieux régner sur un monde de fous, l’incluant lui-même comme roi [des fous], le laissant par là même, seul, sur les bas-côtés d’un chemin vide de sens, vide d’Être. L’« un » se croyant supérieur au nombre, instituera l’ « Un » pour le plus grand nombre.

Contrairement aux impasses et aux murs, les chemins et les ponts symbolisent la voie d’accès, la rencontre, l’aventure, l’échange, par lesquelles l’être humain circule dans son existence, via son humanité, tout en traçant sa propre voie à l’intérieur du Grand ensemble. Chercher sa propre voie, être en chemin, devrait être  une affaire joyeuse.

L’orientation est une question d’ « orient », une affaire de « lever à soi »… ceci devrait répondre, du moins en partie, à la question : qu’est-ce que le bien humain ?_

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Bibliographie recommandée

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1Je vois Satan tomber comme l’éclair, René Girard, Éditions Grasset, Collection Biblio Essais, Paris, 1999

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L’auteur_

Norbert MaciaÉducateur sportif de son premier métier, après 10 années d’expérience dans le secteur du sport et des loisirs, Norbert Macia se reconvertit, en 2006, au coaching professionnel auprès des particuliers et des entreprises. Diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence en 2005, il s’oriente vers un troisième cycle universitaire en coaching qu’il obtient en 2006 à la Faculté d’Économie Appliquée d’Aix-en-Provence.

[Portrait de Norbert : Studio Italiano.fr]

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Mise en ligne : 25 novembre 2012

 

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