Management de proximité

Norbert Macia – vendredi 26 octobre 2012 – Management   


« Management de proximité » par Norbert Macia

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Un feed-back lors d’une séance de coaching avec un de mes clients, directeur opérationnel dans un groupe industriel, sur les formes de management de certains dirigeants, me procure la trame de fond pour ce premier article d’une série traitant du management de proximité dans les organisations._

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Management de proximité & Ressources

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Ce que les auteurs, Bruno Lefebvre et Matthieu Poirot nomment [1], « soutien social », s’apparente à un « nouveau » rôle joué par les cadres opérationnels vis-à-vis de leurs collaborateurs directs. Ces derniers auraient ainsi une dimension d’écoute et de soutien beaucoup plus importante qu’auparavant, ce qui les rend également beaucoup plus sensibles et réceptifs à cette même dimension à leur propre égard. De l’employé au manager, du manager au cadre opérationnel, du cadre opérationnel au dirigeant, les ressources humaines semblent, en fait, se transformer à la faveur des ressources de l’humain. Questions : Cette « mutation » des pouvoirs  est-elle clairement identifiée et assumée, et dans quelles conditions matérielles se déroule-t-elle dans l’entreprise ?

« Cette nouvelle distribution des pouvoirs laisse supposer que le salarié est actuellement très sensible aux comportements de son manager direct comme signe d’un soutien professionnel et donc d’un enrichissement de son capital social. » Cf. Stress et risques psychosociaux au travail, Bruno Lefebvre, Matthieu Poirot, Éditions Elsevier Masson, Paris, p56

Il y a là, à mon sens, plusieurs points important à souligner tous en lien avec l’idée d’un management de proximité : manager direct, soutien professionnel, capital social.

Cette « mutation » des pouvoirs, dont nous parlent les auteurs, n’exclut pas un ordre de marche toujours inhérent à l’entreprise, ou à l’organisation, immanquablement soumises au « facteur temps » (Supply chain, temps de fabrication, temps de décision, temps d’exécution, temps de livraison, temps de contrôle …) ;  temps qui ont une fonction essentiellement ordonnatrice, c’est-à-dire organisationnelle.

Nous sommes donc bien toujours dans le monde de l’entreprise et des transactions commerciales, mais une nouvelle fonction-ressource semble se développer à l’intérieur de ce monde censé -classiquement- exclure certaines considérations humaines. L’organisation en ordre de marche (pour ne pas dire de bataille) a toujours renvoyé à une logique d’adversité, de concurrence et de domination, mais c’est comme si, à présent, le maintien du bon moral et les ressources des troupes ( capital social ?) étaient d’avantage soumis à la reconnaissance et la considération de certains acteurs clés. Puisque l’on nous parle de « soutien professionnel », savoir comment soutenir se collaborateurs,  serions-nous en train de dire que le management de proximité inclut, de plus en plus de nos jours, une fonction soignante, aidante, dans sa chaîne de distribution des compétences ?

Imaginons à présent que le compartimentage propre aux organisations, ou « spécialisation fonctionnelle », empêche cette nouvelle fonction de soutien de circuler librement dans l’organisation, qu’adviendrait-il ? (Voir figure 2.1 ci-dessous)

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figure 2.1 Cf. Images de l’organisation, Gareth Morgan, Editions Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2008, p20

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Management de proximité & Stratégie

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Le management et la stratégie puisent leurs origines dans l’art militaire et l’administration, selon la « logique des 4 fonctions » : organiser, coordonner, commander, contrôler. Ainsi certains ouvrages traitant de stratégie peuvent arborer des titres éloquents ou pour le moins étonnant, comme celui de David Rogers, « Les stratégies militaires appliquées aux affaires », ou bien encore celui de Edouard Mead Earle, « Les maitres de la stratégie ».

Or, bien que d’indéniables efforts et progrès aient été accomplis, par les entreprises et leurs dirigeants, sur les questions de management, de prévention des risques psychosociaux et, pour le dire plus largement, de prise en compte du facteur humain, on se rend tout de même compte aujourd’hui que les « maîtres de la stratégie » n’ont pu empêcher (ou même peut-être prévoir) autant de « casse » humaine : du « syndrome d’atlas » (céphalées de tension) aux problèmes de dos,  jusqu’aux états dépressifs ou de passages à l’acte,  l’étendue des affections ne touche plus seulement les collaborateurs d’une même équipe mais aussi les chaines de commandements et de transmission d’une organisation en remontant parfois jusqu’aux plus hauts niveaux des organigrammes. Certains directeurs disparaissent ici ou là. On constate donc, qu’à défaut de circulation d’une fonction de soutien transversale, une surcharge (disons ici presque électrique), tensionnelle,  circule ainsi aux différents étages de l’entreprise, faisant les dégâts que l’on sait à présent. C’est comme si la première (lorsqu’elle est instituée) venait affaiblir le flux circulatoire de la seconde, qui à défaut d’être affaiblie, viendrait « surcharger » différents acteurs aux points clés d’une organisation : très souvent, des acteurs ayant à gérer transversalité et stratégie dans des processus décisionnels entre différents niveaux hiérarchiques ou équipes.

L’ordre de marche stratégique est, par définition, l’art de la ruse qui n’est autre chose que : la manière détournée de faire croire que l’on recule alors que l’on avance autrement. L’étymologie de stratégie [2] et ses extensions nous renvoient , en effet, au latin strategema qui signifie « ruse de guerre », au grec stratêgos « chef d’armée »; à « strate », du latin stratum, c’est-à-dire la « chose étendue » et qui n’est pas sans faire écho non plus à l’ étendue d’un empire depuis son épicentre. L’entreprise avance donc, s’étend dans une perspective de conquête, sans prendre parfois la juste mesure de son équilibre intérieur, circulatoire, ou biologique. Serait-elle cependant, aujourd’hui, en train de réinjecter de  l’humain de façon transversale, par du soutien, de la considération et de la reconnaissance, de l’écoute ? Serait-elle en train de soigner les effets de son propre management ? Une entreprise stratégique peut-elle intégrer ces considérations ?

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Management de proximité & métaphore

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Ainsi, appliqué à la vie interne de l’entreprise, un collaborateur faisant par exemple usage de ruse à l’égard d’un autre collaborateur pourra, selon les auteurs précédemment cités [1], adopter -entre autres- les stratégies suivantes à des fins de déstabilisation, « déstabiliser sa cible » : – dévaloriser ouvertement le travail, – humilier publiquement, – bloquer l’information, – évoquer la vie privée (…)« . Cf. Stress et risques psychosociaux au travail, Bruno Lefebvre, Matthieu Poirot, Éditions Elsevier Masson, Paris, p51

Une personne agissant ainsi se comportera donc, à l’intérieur de l’entreprise, de la même manière que l’entreprise à l’égard  de ses concurrentes. Tout fait, en soi, portant en lui ses effets (à venir); la malignité (le fait d’être malin ou de se croire le plus malin), la perversité, ruse ou tout autre forme de négativité mobilisable engendrera, en retour, sur du plus ou moins long termes, sa charge de négatif. On ne bâtit pas une demeure sur un champ de mines, même si celles-ci n’explosent pas dans l’immédiat… Appliqué à la métaphore de l’organisation biologique, nous avons là le mode de fonctionnement d’une cellule cancéreuse : « Les cellules cancéreuses ont 2 caractéristiques : elles se divisent sans être soumises aux contrôles normaux de la croissance cellulaire et sont capables d’envahir des tissus normalement réservés à d’autres cellules. »

Dans Images de l’organisation, l’auteur et conférencier américain spécialiste des sciences sociales Gareth Morgan propose une description claire de l’entreprise perçue comme une organisation biologique [2]; celle-ci se caractériserait par :  – des systèmes ouverts, – un processus d’adaptation de l’organisation à son milieu environnant, – le cycle de vie d’une organisation, – les facteurs qui influent sur la santé et sur le développement d’une organisation, – les différentes espèces d’organisation, les rapports entre les espèces et leur écologie« . Cf. Images de l’organisation, Gareth Morgan, Éditions PUL De Boeck, Laval, 2008, p32

Un management de proximité, offrant une réelle et authentique considération des collaborateurs doit favoriser le développement, avec un peu de temps, de relations professionnelles solides sur des bases personnelles saines : confiance, reconnaissance, soutien, responsabilisation, en lieu et place de jeux de pouvoir, rapports de force, séduction ou condescendance. La bonne personne au bon endroit, c’est peut-être, aussi, pas uniquement celle que l’on a bien choisie, mais celle que l’on a bien considérée : la vitalité, la productivité, la flexibilité en dépendent certainement. Les responsabilités sont donc souvent partagées : d’un côté des choix stratégiques, d’un autre côté ce que nous en faisons. Ceci n’est pas sans rappeler non plus, sur un terrain différent, l’éducation reçue (héritage pédagogique) et ce que nous faisons d’elle.  Nous y reviendrons…

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Bibliographie recommandée

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1. Stress et risques psychosociaux au travail, Bruno Lefebvre, Matthieu Poirot, Éditions Elsevier Masson, Paris, 2011

2. Images de l’organisation, Gareth Morgan, Éditions PUL De Boeck, Laval, 2008

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 L’auteur

Norbert MaciaÉducateur sportif de son premier métier, après 10 années d’expérience dans le secteur du sport et des loisirs, Norbert Macia se reconvertit, en 2006, au coaching professionnel auprès des particuliers et des entreprises. Diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence en 2005, il s’oriente vers un troisième cycle universitaire en coaching qu’il obtient en 2006 à la Faculté d’Économie Appliquée d’Aix-en-Provence.

[Portrait de Norbert : Studio Italiano.fr]

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Mise en ligne : 26 octobre 2012

A propos de l’auteur

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