Manager les transitions en entreprise
Norbert Macia – lundi 19 décembre 2022 – Management, Motivation & Changement
Au moment où de plus en plus d’entreprises sont fragilisées par les éléments extérieurs échappant en grande partie à leur contrôle (décisions politiques, enjeux de communication et nouvelles technologies, contexte géopolitique, accélération des modes de vie, etc., etc.), celles-ci font l’expérience de la confrontation, parfois abrupte, au changement.
Des consultants internationaux comme Meryem Le Saget, Susan et William Bridges, en font le constat dans leur livre « Manager les transitions » :
« Les organisations qui s’accrochent à leurs anciennes pratiques seront laissées dans la tourmente. Les plus futées iront de l’avant. » (1)
L’adaptation en soi ne suffit donc plus car celle-ci doit être couplée à la rapidité ou à l’agilité.
Qu’est-ce à dire ?
- Cela pose en premier la question de la nature des nouvelles entreprises qui réussissent à métaboliser ce changement quasi permanent.
- Cela pose en second la question des formes de management qui s’avèrent les plus utiles et efficaces, notamment dans un contexte d’incertitude comme je l’avais développé dans un précédent article (Qu’est-ce que VUCA ?).
Dans l’article qui nous occupe aujourd’hui, nous aborderons le sujet des réponses possibles que les auteurs proposent d’apporter au second point, alors que le premier point, celui de la nature des nouvelles entreprises, fera lui l’objet d’un autre article.
Le problème réside-t-il dans le changement ?
Qu’est-ce qu’un ancrage psychologique ?
Susan et William Bridges partent du postulat que le coût énergétique et humain de toute transformation ne réside pas dans le changement qui arrive, mais bien dans les transitions qui s’enlisent et s’étirent à l’infini.
Comme je l’avais mentionné dans mon précèdent article (Qu’est-ce qu’une transition de vie ?), le changement est situationnel et externe alors que la transition est individuelle et interne.
« C’est un processus en trois phrases que les individus traversent à mesure qu’ils assimilent et acceptent les détails d’une nouvelle situation amenée par le changement. » 2. Ibid.
Comme précédemment mentionné, Susan et William Bridges proposent une image composée de trois phases alignées sur une ligne temporelle :
- la fin,
- la zone neutre,
- le nouveau départ.
Pour ma part, j’aime utiliser la métaphore du voilier transposée en trois catégories d’actions :
- La « levée » de l’ancre et la remontée (depuis la profondeur, l’histoire de vie des personnes) de la chaîne représentent les difficultés liées à la transition en cours. Au plus l’ancrage est profond, au plus le coût et le temps nécessaires à son renoncement seront long et coûteux.
- L’ajustage des voiles et toutes les dispositions prises par l’équipage de l’embarcation représentent les décisions prises au quotidien en regard des possibilités à venir, ce que j’appelle « le présent dirigé » : dirigé car la recherche de sens depuis le présent s’établie depuis une position donnée pour pouvoir aller vers une direction donnée, à partir d’une histoire vécue.
C’est ce qui caractérise une coordonnée : un repère intégré dans une système de référence donné. Dit d’une autre manière, c’est aussi le sentiment d’avoir un but dans la vie plutôt que d’être dans l’errance ou le flottement permanent : ce qui ici n’est pas un jugement de valeur mais bien une alternative. - La mise en mouvement de l‘embarcation en contact avec les éléments (représentant la flèche du temps dans la métaphore des Bridges) : le changement opérant depuis l’extérieur et l’ajustement se faisant de manière continue.
Quelles sont les différences entre changement et transition ?
Comme le soulignent Susan et William Bridges, penser le changement suppose que vous envisagez la question à partir des résultats qui seront produits par le changement : le changement oriente donc naturellement la pensée vers les fins, c’est une philosophie orientée « résultats ».
En ce qui concerne la transition, le point d’achoppement n’est pas le résultat mais bien le renoncement, que l’on appréhende alors comme « processus ».
« Le changement situationnel amène ce qui est nouveau mais la transition psychologique dépend de l’abandon de l’ancienne réalité et de l’identité passée que vous aviez avant que le changement se produise. » 3. Ibid.
La question centrale de la réussite d’une transition réside donc dans le fait d’anticiper les fins et les pertes afin d’être mieux préparé le moment venu.
Lorsque les entreprises n’ont pas pris ce temps de préparation, il s’en suit logiquement que les changements soient malmenés ou tout simplement rejetés : il s’agit des « anciens rôles » que les acteurs du changement doivent abandonner, d’où la question de la préparation et de l’anticipation.
« Dès lors que vous comprenez que la transition commence par renoncer à quelque chose, vous aurez fait le premier pas dans la tâche du management de transition. Le second consiste à comprendre ce qui arrive après le renoncement (…). C’est le moment où les anciennes méthodes sont révolues sans que les nouvelles soient encore faciles à appliquer. » 4. Ibid.
Qu’est-ce que le management des transitions en entreprise ?
Comment manager les renoncements et les fins ?
« Avant d’apprendre une nouvelle manière de faire les choses, vous devez désapprendre l’ancienne. » 5. Ibid.
Le premier problème que les managers vont rencontrer pour accompagner le management des transitions est l’association négative que les gens se font avec l’idée de fin.
Annoncer les bénéfices directs du changement n’aidera donc pas les personnes concernées dès lors que les transitions ne seront pas acceptées, assimilées, et faisant clairement exprimer ce à quoi ces personnes doivent renoncer.
Susan et William Bridges proposent une méthodologie de planification et d’intervention en 10 points :
La première chose à faire est donc de conscientiser, et de faire exprimer, clairement les fins qui sont à opérer :
« Identifiez qui perd quoi ».
- Décrivez le changement avec le plus de détails : soyez spécifique et précis ;
- Imaginez le changement comme une boule de billard qui roule sur une table de billard : essayez d’anticiper le maximum d’impacts ainsi que les effets collatéraux ;
- Ciblez les personnes, au sein de votre entreprise, dont les manières habituelles d’être et d’agir vont devoir changer : qui va devoir se départir de quelque chose ?
- Ces pertes peuvent aussi être de nature subjective et non matérielle : attitudes, croyances, biais cognitifs et suppositions ;
- Trouvez s’il existe un dénominateur commun à tous les acteurs de l’entreprise : « Y a-t-il quelque chose qui s’achève pour tout le monde ? ».
La seconde chose à faire est obtenir l’engagement des personnes :
« Vous n’obtiendrez l’engagement des personnes que si vous les comprenez et prenez des décisions sur la base de cette compréhension. » 6. Ibid.
Troisièmement, face aux surréactions individuelles, apprenez à déceler la perte derrière la perte et à gérer le problème sous-jacent : c’est la question du déficit de transition qui est soulignée ici par les auteurs.
« Quand les pertes passées n’ont pas été bien gérées il se crée un genre de déficit de transition – une disposition au deuil qui ne demande qu’une nouvelle fin pour se déclencher. » 7. Ibid.
Quatrièmement, anticipez et accueillez les signes du deuil (en lien avec la /les perte(s) :
- Le déni : il sert à se protéger du premier impact de la perte ;
- La colère, souvent en lien avec le sentiment d’injustice : distinguez les sentiments acceptables des passages à l’acte non admissibles ;
- Le marchandage : distinguez les tentatives de marchandage de la véritable résolution du problème sous-jacent ;
- L’anxiété : tentez de rassurez et communiquez davantage sur la situation ;
- La tristesse, émotion au centre du processus de deuil : invitez les personnes à partager leur ressenti avec le vôtre et compatissez si vous en ressentez sincèrement le besoin ;
- La désorientation : le sentiment d’avoir perdu ses repères. Accordez une attention singulière, rassurez, soutenez et compatissez ;
- La dépression ou perte totale de contrôle et de sens sur sa propre vie : à prendre très au sérieux, l’état dépressif nécessite un soin particulier qui va mobiliser vos ressources, tout comme celles d’autres acteurs parfois externes à l’organisation.
Cinquièmement, tenter de compenser les pertes et informez honnêtement autant que possible : ne tentez pas d’être cohérent, en rationnalisant à outrance, parce que cela vous arrange, mais soyez plutôt vrai et responsable.
« Ceux qui veulent sincèrement être vrais se contredisent plus rarement que ceux qui essaient d’être cohérents. » (Olivier Wendell Holmes Jr. ; Juriste américain)
Sixièmement, déterminez ce qui est fini et ce qui ne l’est pas : lutter contre la confusion que peut générer tout changement organisationnel en étant le plus précis possible quant à ce qui reste et ce qui cesse.
Lorsque les managers n’exposent pas clairement les choses, ils s’exposent eux-mêmes, selon les auteurs, à trois types de réactions :
« Les gens n’osent pas arrêter de faire quoi que ce soit : ils continuent à accomplir les anciennes tâches et les nouvelles puis ne tardent pas à céder sous le poids de la surcharge.
Les gens décident d’eux-mêmes ce qu’il faut prendre et laisser. S’ensuivent l’incohérence et le chaos.
Les gens abandonnent tout ce qui se faisait par le passé et jettent le bébé avec l’eau du bain. » 8. Ibid.
Septièmement, marquez les fins : les auteurs invitent ici à créer des actions ou des activités qui matérialisent et théâtralisent les fins.
Huitièmement, traitez le passé avec respect : ne méprisez pas les anciennes méthodes ou les personnes qui étaient en charge avant vous car vous risqueriez de renforcer certaines résistances au changement. Le passé fait partie de l’histoire de l’entreprise et détermine, en grande partie, les choix présents et futurs.
Neuvièmement, laisser les gens emmener un fragment du passé avec eux : préserver la continuité au travers de l’identité des personnes et le fait que celles-ci s’identifient toujours avec le passé.
Dixièmement, montrez comment la fin assure la continuité de ce qui compte : « Les fins d’hier ont lancé les succès d’aujourd’hui et aujourd’hui devra prendre fin pour que les changements de demain prennent place. » 9. Ibid.
Comment accompagner dans la zone neutre ?
Cette seconde phase de la transition, ou zone neutre, telle que conceptualisée par William Bridges se caractérise principalement par une absence de vision et le règne de la confusion.
Dans cet espace-temps, les dangers présents pour une entreprise sont d’ordres différents et peuvent être compris comme les signes manifestes d’une transition en cours de phase neutre :
- Augmentation de l’anxiété dans le personnel de l’entreprise et diminution de la motivation : résultat de la désorientation et de l’incertitude ambiante.
- Augmentation de l’absentéisme et diminution de la productivité : résultat de la désorientation et de l’incertitude.
- D’anciens problèmes ou des faiblesses que vous pensiez avoir réglées réapparaissent : dès lors que l’actualisation du présent ne peut se faire en regard d’un futur meilleur, alors celle-ci se rejoue au travers d’un passé douloureux et les anciennes plaies s’ouvrent à nouveau.
- Dans la zone neutre les personnes sont à « l’arrêt » du fait des informations contradictoires, ce qui génère de la frustration et empêche la prise de décision.
- L’ambigüité et la confusion génèrent, finalement, de la polarité et de l’adversité : le consensus se fragilise et le travail en équipe devient très difficile.
- Les organisations deviennent alors beaucoup plus vulnérables aux attaques extérieures de la concurrence et du marché : à ce stade la possibilité de sabotage n’est pas à exclure.
Mais, sur le versant positif, la zone neutre est aussi un temps où la créativité peut fuser.
Un manager doit donc aborder cette étape en deux temps :
- Faire traverser toutes ses équipes en même temps en veillant à ne laisser personne sur le côté de la route ;
- Profiter de la confusion générée par la zone neutre pour miser sur la créativité et l’innovation des équipiers : des solutions innovantes peuvent émerger du chaos ambiant.
« Le chaos engendre la vie tandis que l’ordre engendre l’habitude. »
Henry Adams, historien américain
La principale difficulté de la traversée de la zone neutre est qu’elle est un voyage d’une identité à une autre.
C’est en cela une occasion unique pour revoir les politiques et procédures de l’entreprise, redéfinir les rapports hiérarchiques et les nouveaux rôles des managers et des directeurs, en s’assurant que la communication soit claire à tous les niveaux, redéfinir des objectifs à court et moyen termes pour redonner progressivement une visibilité et des points de repères, reconstruire un sentiment d’identification au groupe.
« La communication aide à maintenir chez les personnes un sentiment d’inclusion et de connexion à l’organisation. » 10. Ibid.
Comme nous le rappelle les auteurs, c’est dans la zone neutre, entre l’ancienne organisation mourante et la nouvelle organisation naissante que le temps est le plus propice à l’innovation.
Les managers ont alors un rôle crucial à jouer en encourageant les équipiers à trouver de nouvelles façons de faire pour répondre à de nouveau défis.
Voici ce que recommandent les auteurs :
- Remettre en question les habitudes de travail et les procédures actuelles ;
- Redonner aux équipiers une opportunité de reconsidérer leur propre travail et leur carrière ;
- Encourager les expériences et la réalisation des idées nouvelles ;
- Considérer les pertes, les refus et les échecs comme points d’entrées de nouvelles solutions potentielles ;
- Autoriser et permettre le temps de l’expérimentation : les problèmes doivent être pensés comme des opportunités de faire quelque chose de nouveau ;
- Restructurer les pôles et les services sur un mode participatif et engagé ;
- Encourager l’esprit d’entrepreneuriat en interne couplé avec une certaine forme de tolérance aux échecs et aux erreurs.
« C’est l’opportunisme entrepreneurial qui tranche entre succès et échec quand il s’agit d’utiliser la zone neutre de façon créative. Cet opportunisme dépend de la volonté à prendre des risques. »
11. Ibid.
Le management des transitions en entreprise : le nouveau départ.
Comment manager les nouveaux départs ?
Les nouveaux départs, tout comme les transitions, sont des phénomènes psychologiques, soulignent les auteurs : ils sont l’expression partielle, ou totale, d’une nouvelle identité subjective.
Le nouveau départ se produit dès la sortie de la zone neutre et les personnes se sentent comme « renouvelées » dans leurs nouvelles identités, avec toutes les difficultés que ce nouvel engagement peut faire surgir.
C’est en cela que, parfois, les personnes concernées par les nouveaux départs sont à la fois dans un désir évident d’embrasser le changement, mais aussi dans les craintes et les peurs de franchir ce pas.
En ce sens, et comme le précisent les auteurs :
- « Les nouveaux départs réactivent certaines vieilles angoisses initialement déclenchées par les fins.
- La nouvelle manière de faire les choses représente un pari : il est toujours possible qu’elle ne fonctionne pas.
- La perspective d’un nouveau départ risquée résonnera probablement avec le passé.
- Pour finir, les nouveaux départs détruisent chez certains une expérience agréable en zone neutre. »
Lorsqu’un nouveau départ s’interrompt, c’est que la phase de fin, ou de zone neutre, a été mal accompagnée.
Pour Susan et William Bridges, les managers disposent d’au moins quatre manières d’encourager
et soutenir les nouveaux départs :
- L’explication : expliquer le but visé derrière le résultat recherché.
- La représentation symbolique : attribuer une image, ou métaphore, de ce que sera le résultat.
- La planification : établir un plan étape par étape pour marquer clairement la progression et la destination.
- La responsabilisation : attribuer un rôle à jouer pour chaque acteur du changement, à la fois dans le plan et dans le résultat.
Il va de soi que « but », « image », « plan » et « rôle » sont complémentaires et offrent un maximum de visibilité a l’heure des nouveaux départs.
Mais, il peut aussi y avoir un ordre de priorisation et de préférence diffèrent, pour ces quatre valeurs, et varient d’une personne à l’autre : il est important, pour un manager, de reconnaitre les préférences chez tous ses collaborateurs.
Pour les managers, l’ordre recommandé par les auteurs est le suivant :
- But ;
- Image ;
- Plan ;
- Rôle.
Clarifier et communiquez le but.
Parfois, dans le coaching, nous utilisons un outil très simple pour mobiliser une réflexion à un niveau plus profond, plus existentiel : les questions puissantes.
Ici, Susan et William Bridges nous offrent un exemple de question puissante afin de clarifier et communiquez un but à atteindre :
– Quelle est l’idée derrière ce que vous faites ?
Pour illustrer cette proposition, les auteurs prennent l’exemple de Moïse durant la traversée du désert :
« L’idée derrière le voyage de Moïse à travers le désert est que Dieu a promis à son peuple, qui avait été chassé de sa patrie adoptive d’Egypte, une terre qui serait la leur. » 12. Ibid.
Ceci représente un but clair qui justifie le voyage et offre la promesse d’une résolution de leurs problèmes : si vous ne proposez pas de but tangible, derrière le changement annoncé, vous n’obtiendrez pas, ou peu, d’engagement pour un nouveau départ.
> L’objectif doit être réalisable, pas imaginaire ou idéalisé.
> L’objectif doit émerger de la situation réelle que l’entreprise affronte, de son histoire et identité, ainsi que de ses ressources.
« Nous visons l’excellence », ou « Nous allons œuvrer pour un monde meilleur » sont deux contre-exemples d’objectifs réels qui n’ont pas tenu leur promesse, et ce pour plusieurs raisons :
- Ils n’offrent pas une vision nette car ils ne ciblent rien de précis en soi ;
- Ils sont détachés du quotidien de la plus grande majorité des acteurs d’une entreprise, ce qui ne favorisera pas l’engagement des personnes ;
- Ils font l’apologie d’un idéalisme hors sol qui n’affirme rien de tangible (horizon inatteignable) : l’horizon est cette ligne inaccessible qui recule au fur et à mesure que l’on avance.
« Le type d’objectif dont vous avez besoin pour prendre un nouveau départ doit venir de l’intérieur de la société – de sa volonté, de ses capacités, de ses ressources et de sa personnalité. Plus précisément, il doit émerger de la manière dont ces qualités intrinsèques interagissent avec la situation dans laquelle l’entreprise se trouve. C’est cette interaction qui définit l’opportunité dans un monde en mutation. » 13. Ibid.
Après le but, l’image.
Le but a besoin d’une image pour son illustration : cette image doit être une représentation du résultat final.
L’image que les personnes ont en tête est la réalité dans laquelle ils vivent : c’est elle qui nourrit leur discours intérieur.
Durant la fin de la transition, l’image qu’ils ont de leur entreprise disparait et laisse, provisoirement, la place à l’image organisationnelle d’un « désert temporaire » dans lequel les personnes vont évoluer et finaliser la transition.
« C’est la nouvelle image organisationnelle qui recentre l’énergie des personnes, les extirpe de la zone neutre avec un nouveau sentiment d’identité collective et de sens à leurs efforts. » 14. Ibid.
« Un tas de pierres cesse d’être un tas de pierres dès lors qu’un homme le regarde avec, en lui, l’image d’une cathédrale. » Antoine de Saint-Exupéry
Le rôle des managers et des dirigeants est donc de contribuer à la création de cette nouvelle image organisationnelle : avant l’appropriation du changement, il y a l’étape de la visualisation du changement.
Maintenant, l’établissement d’un plan.
Le plan doit être la feuille de route qui jalonne les étapes selon lesquelles tous acteurs de l’entreprise connaitront les choix et prises de décisions importantes afin de réaliser la transition dans les meilleures conditions.
« Il donne (le plan) la nature et le séquençage d’évènements clés qui marquent les phases de la transition » 15. Ibid.
En ce sens, le plan d’accompagnement de la transition doit se distinguer clairement du plan de conduite et gestion du changement (ce point fera l’objet d’un autre article).
Selon les auteurs, le plan d’accompagnement de la transition se distingue sous plusieurs aspects :
- Il est beaucoup plus détaillé et répond au changement à un niveau personnel plutôt que collectif.
- Il est orienté sur le processus et non uniquement sur le résultat.
- Il suit un ordre chronologique depuis la situation présente des acteurs de l’entreprise.
L’existence d’un plan rassure la plupart du temps, comme le soulignent les auteurs : « (…) quelqu’un s’occupe de nous ».
Enfin, un rôle à jouer.
Le rôle de chacun est ce qui vient compléter la triade : objectif, image, plan.
En ce sens, les auteurs recommandent l’attribution, non pas d’un rôle à jouer mais de deux : un rôle d’attribution et un rôle de relation dans la gestion du processus de transition même.
Il s’agit aussi de compenser au maximum les pertes que les acteurs ont laissé derrière eux dans le processus de transition (les fins, les renoncements).
Ainsi, le fait d’avoir de nouveaux rôles importants dans le processus d’accompagnement de la transition sera un élément fédérateur et facilitateur des nouveaux départs, et ce de cinq manières différentes :
- Cela permettra la visualisation réelle des problèmes auxquels l’organisation devra faire face ;
- L’aspect fédérateur fera qu’une polarisation se créera entre, d’un côté, les problèmes à résoudre, et de l’autre côté, les solutions à créer ;
- L’implication personnelle sera au service du preneur de décisions ;
- Les connaissances et les intérêts personnels seront mobilisés par la situation ;
- Le fait de jouer un rôle dans l’organisation implique aussi davantage vis-à-vis des résultats.
Conclusion
Pour conclure, il est important, en matière de management des transitions en entreprise, de rappeler les points suivants :
- La conduite d’un processus de transition en entreprise n’est pas QUE le travail des managers…, mais bien celui de tous les acteurs de l’entreprise dans leurs différents rôles et niveaux hiérarchiques.
- En entreprise, on pense souvent les lignes hiérarchiques de haut en bas et de bas en haut : il faut aussi prendre en compte les diagonales, les transversales et les parallèles qui ne sont pas épargnées par les alliances, les synergies et les jeux de pouvoir.
- L’organigramme officiel d’une entreprise est une photo d’identité figée de l’organisation hiérarchique de l’entreprise. Il possède son double fantomatique beaucoup plus réel et vivant : le pouvoir prescrit, tout comme le travail, n’est parfois pas conforme avec le pouvoir réel.
- La transition est un processus personnel, individuel et subjectif : les états d’âme, les émotions et les ressentis, l’imaginaire et le facteur temps individualisé (la temporalité), les dimensions politique et éthique, occupent une place très importante lorsqu’il s’agit d’envisager ou d’appréhender un changement important.
Dans un troisième et dernier article sur les travaux de Susan et William Bridges, nous ferons le lien entre la nécessaire consolidation des nouveaux départs (comme phase terminale du processus de transition) et l’accompagnement à la gestion et à la conduite du changement en entreprise.
Bibliographie
- Manager les transitions, clés des changements réussis, William et Susan Bridges, Interéditions Dunod, 2019.
A propos de l’auteur
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