Qu’est-ce qu’une transition de vie ?

Norbert Macia – mardi 18 octobre 2022 – Coaching, Motivation & Changement   


 

En cette rentrée 2022, et alors que les deux années qui viennent de s’écouler se sont prêtées à de nombreux changements pour beaucoup d’entre nous, je souhaitais vous parler des transitions de vie qui sont des processus subjectifs et intimes que chaque personne traverse plusieurs fois dans sa vie : parfois en pleine conscience, le plus souvent dans la plus grande obscurité.

Transitions de vie et changement

Les transitions de vie

Sur la scène du coaching, et sous l’angle de la communication « grand public », la transition de vie est moins sur le devant qu’en coulisses tant elle est parfois occultée par l’omniprésence du concept de changement : notez qu’il existe beaucoup plus de livres consacrés au changement que ne le sont ceux consacrés à la transition.

Et pourtant : l’un peut-il se réaliser sans l’autre ?

L’intérêt de comprendre les transitions de vie réside, pour nous autres coachs, peut-être dans le fait d’amener nos clients à prendre conscience de ses phases de vie s’opérant dans leurs contextes professionnel ou personnel :
qu’ils soient en mesure de les envisager ou bien qu’ils soient en train de les traverser sans même le savoir.

Proverbe taoïste : « Tu cherches à passer par la porte, or il n’y a pas de porte. Mais tu ne le sais que quand tu as passé la porte. »

C’est également vrai pour toute personne qui confondrait transitions de vie  et changements : la première position commençant par une fin nécessaire alors que la seconde repose sur un désir volontaire ou sur un fait externe imposé.

Pour illustrer le propos, je m’appuierais sur le livre de William Bridges consacré aux transitions de vie (1), (2).

Dans ses livres, Bridges différencie changement et transition.

Il souligne que le changement n’est pas un processus interne mais bien un élément externe aux personnes en lien avec un contexte donné : une guerre mondiale produit, par exemple, un changement civilisationnel à l’intérieur duquel les individus vont opérer des transitions de vie qui se traduiront par des aménagements de leur quotidien.

La transition de vie, pour Bridges, est l’état dynamique et psychologique d’une personne au travers des différents sentiments et émotions que celle-ci traverse durant un temps déterminé.

Les départs, les retours, les rentrées

Nous sous-estimons, bien souvent, l’impact qu’ont les transitions de vie.

Par exemple, l’impact qu’ont les « rentrées » ou le passage d’une période estivale, et/ou familiale, à une autre période, celle de l’affairement pleinement ou partiellement retrouvé : cela s’appelle une transition et cela se matérialise par des aménagements et des changements dans le quotidien.

Un changement, n’est pas une transition, souligne William Bridges, et il existe un rapport allant de l’intériorité à l’extériorité pour ce qui est en jeu dans cette distinction.

Les vacances, ou la vacance, c’est le temps de l’éphémère et la pratique de la chaise vide, ou bien la pratique de la chaise longue pleine (c’est selon) : les routines et les habitudes de travail et de vie sont bousculées, quand elles ne sont pas tout simplement substituées par d’autres activités, de loisirs, tourisme, sports, oisiveté, ou encore ressourcement.

Le temps de la « vacance » implique donc un déplacement intérieur qui se traduit aussi, dans la plupart des cas, par un déplacement extérieur : « partir en vacances » c’est en tout premier lieu « partir ».

La rentrée est ainsi le temps d’où il faut revenir de ce départ et de ce séjour.

Pour William Bridges, alors que la transition est le vécu intime et interne d’une personne en mouvement,
le changement en est sa manifestation externe.

Le modèle transitionnel de Bridges

Transitions de vie et conduite du changement

Le fait, dans une entreprise ou dans tout autre contexte, de vivre un changement est une épreuve : nous pouvons subir, résister ou adhérer, mais dans toutes les situations nous en sortiront éprouvés, c’est-à-dire, d’une certaine façon, comme « transformé » par l’expérience.

Dans l’entreprise, on profite souvent de ces occasions pour se confronter aux avantages ou aux opportunités que pourrait produire un processus de conduite du changement.

C’est dans ce cadre-là que certains outils comme la matrice SWOT ou l’évaluation 360 degrés sont mobilisés.

Ce que souligne William Bridges est la mise sous silence des ressentis intimes qui eux ne sont pas, ou pas assez, pris en compte lors de ces phases de conduite du changement.

Un ressenti ignoré, ou non reconnu par l’environnement externe, devient bien souvent un ressentiment.

C’est pourtant, pour William Bridges, une des clés de la réussite de tout processus de conduite du changement.

Les différentes étapes d’une transition de vie

« Combien de fins pouvez-vous retrouver dans vos souvenirs ? »
William Bridges

Ainsi toute personne confrontée à un changement passerait par 3 phases de ressentis psychologiques qui composent le corps du modèle transitionnel de Bridges :

  1. la fin;
  2. le flottement;
  3. le nouveau départ.

Pour William Bridges, bien gérer une transition de vie c’est savoir bien gérer une fin d’étape de vie.

Pour un coach, la ressource du questionnement pertinent est, avec la qualité de présence et de disponibilité, les deux moyens qui peuvent être mobilisés ici afin que les questions posées puissent pertinemment produire les effets escomptés et nous permettre de visualiser clairement l’état d’avancement du processus de transition en cours.

Sur le sujet du questionnement, comme « art dans le coaching », je vous invite à lire un article que j’avais publié en 2013 sur Réseau Coaching (L’art de la question dans le coaching (et ailleurs…), inspiré (non sans ironie) du célèbre manuel des inquisiteurs de l’Abbé Morellet…

Plus serieusement, vous trouverez ci-dessous un exemple de questions pouvant être posées
à ce moment précis de l’accompagnement (2) :Savoir gerer les fins

 

 

 

« Quelle que soit l’attitude que l’on adopte face aux fins, elles représentent la première phase de toute transition. Ensuite vient une phase de confusion et de vide, avant que la vie ne retrouve sa lisibilité et son sens. On peut alors passer à la troisième phase, celle du nouveau départ. »
William Bridges

Transition de vie et capacité d’adaptation

Qu’est-ce que la capacité d’adaptation ?

Traverser une transition de vie, plus ou moins lentement, varie d’une personne à une autre et dépend pour une large part de la capacité d’adaptation de chaque individu.

Ainsi, une personne qui s’adapte rapidement est une personne qui sait se situer clairement dans son processus de transition et, plus spécifiquement, dans chaque situation en particulier :

  1. Ce qui doit finir est clairement perçu et compris;
  2. La « phase de flottement » est brève car les enjeux du « nouveau départ » sont eux aussi rapidement intégrés, ce qui justifie que la phase de flottement n’ait pratiquement plus de raison d’être;
  3. Le changement est accueilli favorablement et cet accueil se manifeste par certains signaux et comportements bien déterminés :
    • Energie positive, collaboration.
    • Proactivité et force de proposition.
    • « Effet aimant » et charisme.

« Peu importe qu’il y ait une, trois, quatre ou six grandes crises dans une existence. L’important, c’est que l’âge adulte fait alterner des phases d’expansion et de contraction, de changement et de stabilité. Pour les êtres humains comme pour le reste de la Nature, les changements s’accumulent lentement, insensiblement, puis se manifestent aussi brusquement et spectaculairement que le dégel ou la chute des premières feuilles. Il faut comprendre ce processus de transition dans son ensemble, sans se laisser obnubiler par une crise en particulier. »
William Bridges

Savoir s’adapter c’est donc savoir analyser rapidement son environnement et, dans l’environnement, analyser et comprendre pleinement les situations vécues.

Savoir s’adapter c’est aussi savoir se rééquilibrer en permanence face aux situations de déséquilibre se présentant à nous.

Adaptabilité et soft-skills en entreprise

La capacité d’adaptation, ou adaptabilité, est aujourd’hui reconnue comme « soft-skills » majeure par les recruteurs : il s’agit d’une « aisance » c’est-à-dire une amplitude, ou une disposition, « à pouvoir faire».

On l’oublie peut-être mais, dans le règne animal, cette qualité première a pour fonction la survie de l’espèce.

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
Charles Darwin

En « termes humains », cela pourrait se traduire dans le monde professionnel par :

  • Être constructif dans ses argumentations, critiques, décisions;
  • Être positif et force de proposition;
  • Savoir s’adapter rapidement à son environnement de travail;
  • Savoir anticiper les situations et respecter les étapes et les délais;
  • Capacité à pivoter : changer de direction lorsque cela est nécessaire;
  • Capacité à revenir sur ses pas afin de sécuriser ses arrières;
  • Savoir s’intéresser à sa hiérarchie, ses partenaires et collaborateurs;
  • Savoir gèrer son stress et les situations stressantes d’inconfort.

Savoir s’adapter, oui, mais jusqu’à quel point et pourquoi ?

Adaptation, suradaptation et culpabilité

Il est toujours salutaire de questionner les injonctions, y compris lorsque celles-ci partent d’une bonne intention ou sont supposées servir un but louable.

Dès lors que l’on demande, ou l’on impose, de « savoir s’adapter » ou dans un registre voisin « être plus agile », nous sommes en droit de nous poser la question suivante : dans quel but ?

On nous vante, avec régularité, les mérites des nouvelles technologies de demain et le simple fait de questionner cela peut, dans certains cas, être perçu comme « réac ».

Mais, quid par exemple de la portée politique de certaines décisions s’imposant au plus grand nombre ?

Ai-je, par exemple, été démocratiquement consulté sur l’obsolescence programmée des technologies existantes et des objets de notre quotidien ? Les différentes formes d’utilisation de mes données personnelles ? L’automatisation de certains processus technologiques ? L’intrusivité et la captation de mon temps personnel dans le rapport aux dites technologies ?

Dans un article de son blog que je vous invite à lire ici (5), Karine Aubry, qui est coach et également auteure, expose les différentes facettes du travailleur suradapté en entreprise ou la question de l’équilibre des besoins et de la reconnaissance de chacun pose les enjeux du syndrome du « trop bon élève ».

Adaptabilité et marché de l’emploi

Il est effectivement important de savoir s’adapter mais lorsque les innovations, ou le progrès, imposent aux individus des changements radicaux, sans que ceux-ci ne soient préalablement ni consultés, ni concertés, alors le progrés s’impose en bousculant les transitions de vie en cours qui, rappelons-le, sont des processus lents pour le plus grand nombre d’entre nous.

Dans un article publié sur son blog que je vous invite à lire ici (3), Jean Wemaëre, Président Directeur Général du Groupe Demos, nous signale que d’ici 2030 1.4 million d’emplois dans les technologies de haut niveau seront créés dans l’Union Européenne pour une disponibilité de seulement 400 000 personnes qui pourront y prétendre étant donné le niveau de qualification recherché.

Ne nous y trompons pas : l’enjeu de société consiste ici dans une montée en compétences (verticalité) conjointement à un accompagnement aux transitions de vie (horizontalité).

Pour le chercheur suisse de l’Université de Lausanne, Grégoire Bollmann (4), il est important d’« activer ses ressources d’adaptabilité lors des transitions ».

« Ces ressources comprennent quatre dimensions : 1. La considération, ou habilité à prendre conscience et à planifier son parcours professionnel ; 2.    Le contrôle, c’est-à-dire le sentiment d’autonomie et d’autodétermination face à son avenir; 3.    La curiosité, la tendance à explorer son environnement et les opportunités qui s’y présentent ; 4.    La confiance, la sensation de pouvoir résoudre des défis concrets de carrière. »

 

Bibliographie et articles recommandés

  1. William Bridges, Transitions de vie, Comment s’adapter aux tournants de notre existence, InterEditions, 2014.
  2. William et Susan Birdges, Manager les transitions, Clés des changements reussis, InterEditions, 2019.
  3. http://www.jean-wemaere.com/blogs/fr/20161123-le-savoir-s-adapter-une-competence-cle/
  4. https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_BB07252D9DA4.P001/REF
  5. https://kolibricoaching.com/competences-relationnelles/comment-echapper-a-la-suradaptation-professionnelle/
  6. https://reseaucoaching.com/manager-les-transitions-en-entreprise/

 

A propos de l’auteur

Laisser un commentaire