Réflexions sur le Coaching
Norbert Macia – mardi 29 janvier 2013 – Coaching - 2 Comments
Réflexions sur le Coaching
Qu’il est en effet parfois difficile de s’y retrouver dans la grande jungle du coaching !
Bien entendu, comme toute jungle qui se respecte, la loi de la sus-dite jungle s’applique et ce n’est pas faute, pour certains d’entre nous, d’avoir essayé, ici ou là, d’allumer quelques torches pour tenter d’y voir plus clair…
Mais cette loi obscurantiste, qui est donc celle du plus fort, est celle du plus fort à brouiller les pistes et à rajouter en confusion : la loi médiatique de la jungle du coaching.
Cela devient une véritable course d’orientation pour s’y retrouver…
Je parle de quoi ? Du coaching, toujours bien entendu, qui continue d’être manipulé et instrumentalisé dans tous les sens par les médias alors qu’il conviendrait aujourd’hui de le poser sur ses fondements, précisément pour le fonder.
Pourquoi est-il urgent de fonder nos pratiques et nos réflexions sur le coaching ?_
Il est urgent de fonder le coaching parce que celui-ci « fond » littéralement, malgré des apparences trompeuses, comme la banquise des pôles !
D’ailleurs la fonte est déjà bien avancée… Je connais certains professionnels qui m’ont avoué ne plus faire apparaître le mot « coaching » dans leur communication ou argumentaire. Peut-être en connaissez-vous aussi ?
Et pourquoi donc ?
Nous sommes en train de perdre toute légitimité, non pas auprès du « grand public » ou des médias (du moins certains médias grand public) qui usent joyeusement de la manipulation pour surfer sur la « vague coaching » tout en l’épuisant plus rapidement qu’il ne faut, mais bien auprès des professionnels, de gens sérieux, d’entreprises et d’institutionnels…
A force d’apposer toutes sortes d’adjectifs au terme coaching, nous passons à présent pour de « drôles d’oiseaux »(…).
A propos d’étranges et burlesques volatiles, j’ai refusé de participer à plusieurs émissions TV à forte audience dans lesquelles on souhaitait m’imposer (ou plutôt me « conseiller »…), et mon discours, et comment je devais faire mon travail, et ce qu’était au fond mon travail, puisque j’étais décidément trop inconscient des attentes du public et des réalités du monde… où l’art du comment vider un sujet de sa substance !
Pourtant le sujet est riche et diversifié, mais le coaching n’est t-il pas avant tout le coaching ?
Que l’on parle de coaching de vie, de coaching de sens ou de performance, de coaching sportif, n’y a t-il pas un dénominateur commun ?!
Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je tiens à préserver ce dénominateur commun dans ma communication puisque « coaching » est bien le mot qui figure sur mon diplôme universitaire, qui atteste de mon domaine de compétence._
Le coaching comme pratique de l’humain._
Une pratique de l’humain pose la question suivante : quelle(s) anthropologie(s) pour quel(s) coaching(s) ?
Si nous faisons du « coaching de vie », « Life coaching », il est important de comprendre que des différences et des antécédents existent, pré-existent, à notre réflexion d’aujourd’hui, que les pensées de la biologie,du vivant, s’opposent ou se confrontent le plus souvent aux pensées de l’existence ou aux philosophies du sens.
Il y a une différence fondamentale entre « être en vie » et « exister ».
Une différence qui « fait fond », qui fonde et qui peut fonder une pratique, une posture professionnelle.
C’est cette différence même qui fonde la différence ontologique, c’est-à-dire ce qui « est » (effectivités), d’une part, et ce qui « est » (possibilités) d’autre part._
Être en vie, c’est -naturellement- être vivant.
C’est-à-dire, c’est avoir des interactions avec son environnement, aux sens écologique, économique, biologique et humain du terme. Influer sur l’environnement et être influé par lui. Mais, c’est aussi, d’une certaine façon, être posé là, « comme un oiseau sur la branche », oiseau qui -lui aussi- agit dans son environnement.
Exister, nous dit le philosophe Henri Maldiney, est rare. L’événement, ou pour être plus précis « l’évènement véritable », est moteur de l’existence, en ce sens que, notre existence est mue, mise en mouvement, par une transformation opérante.
C’est parce qu’il y a transformation qu’il y a mouvement et non plus fixité, immobilité, pause, pose.
« L’existence est rare. Nous sommes constamment, mais nous n’existons que quelquefois, lorsqu’un véritable événement nous transforme. » (Henri Maldiney)
En quoi un évènement véritable peut-il être moteur d’une existence ?
Il retentit suffisamment fort pour rompre l’immobile désinvolture de la quotidienneté, la « routine », de sorte que les construits mentaux, les habitudes, les repères, sont de nouveau soumis à la question, au doute, à l’angoisse, tout en inaugurant un rapport au monde à neuf.
Faire du coaching de vie ou faire du coaching de sens (« existentiel ») ce n’est pas la même chose, mais ces deux approches de l’humain peuvent -et doivent à mon sens- être anthropologiquement fondées.
D’une pratique humaine du sens…
Voici le témoignage du philosophe et créateur de l’Université populaire de Caen, Michel Onfray, à propos de son expérience, enfant, à l’orphelinat de Giel :
« L’histoire de l’être s’écrit là, avec cette encre existentielle et cette chair qui se dérobe, ce corps qui enregistre animalement la solitude, l’abandon, l’isolement, la fin du monde. Arraché aux habitudes, aux rituels, aux visages connus, aux lieux intimes, je me retrouve seul dans l’univers, expérimentant l’infini pascalien et le vertige qui s’ensuit ». in La puissance d’exister – Manifeste hédoniste, Michel Onfray, Editions Grasset – Biblio essais, n°4420, 2006
Qu’avons-nous ressenti lors d’une séparation, un deuil, un affrontement ? Qu’avons-nous ressenti face à l’inattendu, l’imprévisible, la peur, le stress ou la joie extrêmes ?
Que serait alors l’enjeu d’une existence humaine et l’enjeu d’un accompagnement qui se proposerait d’être existentiel (par essence) ? Le Gnothi seauton ou « Connais-toi toi même » socratique nous invite à ce devoir de connaissance de soi, de sens de notre existence sur Terre et de sens de nos actes et pratiques professionnelles.
Si l’on se réfère à l’analytique existentiale du philosophe allemand Martin Heidegger, un des enjeux majeurs de l’existence humaine consiste dans le fait que l’homme a à « avoir à être ».
Il a à être ses possibilités d’être, de sorte que, son essence réside dans son « avoir à être » le lieu de ses possibilités ( Dasein en allemand), c’est-à-dire, son existence.
Un coach, et les réflexions sur le coaching, qui l’animent doivent porter sur l’ « avoir à être » son métier de coach : c’est-à-dire ses possibilités.
Ayant ainsi cette possibilité de choix, car l’être humain est possibilités et choix, l’essence de l’homme réside -dans et par- son existence au regard de sa finitude car il est le seul être qui -en conscience- peut mourir.
Pouvoir au sens d’avoir en lui la possibilité de penser sa fin. Paradoxalement, c’est cette même possibilité de penser sa fin qui peut lui permettre de penser son existence, ses choix, sa vie.
« (…) l’homme a un monde et il est dans le monde, tandis que la flore et la faune ne sont que haubanés dans les environnements qui les entourent respectivement. » in Règles pour le parc humain – Une lettre en réponse à la Lettre sur l’humanisme de Heidegger, Peter Sloterdijk, Editions Mille et une nuits, n°262, 2000. p.24
«… l’homme a un monde et il est dans le monde … », le monde n’est pas simplement une « totalité de choses » pour l’homme, à disposition, posée là. Comme le dit très clairement le philosophe Gérard Guest, le monde est « structure de renvoi de chose à chose, d’ouverture en ouverture, de possibilité en possibilité. »
… aux sens de nos pratiques..
Proverbe taoïste :
« Tu cherches à passer par la porte, or il n’y a pas de porte. Mais tu ne le sais que quand tu as passé la porte. »
Interprétation possible : nous sommes, nous-mêmes, l’étape à franchir. Personne d’autre ne le fera, pour nous, à notre place.
Appliqué aux sens de nos pratiques et à nos réflexions sur le coaching, revient à ce que chaque coach peut apporter sa contribution.
Les coachs sportifs, grands absents (ou oubliés) des fédérations et associations de coaching, sont pourtant aussi dans une pratique d’accompagnement qui a du sens.
Certains d’entre-eux ont, par ailleurs, pensé et fondé le sens de leur pratique du coaching à partir d’un modèle anthropologique ou sociologique, duquel ils ont pu élaborer et conceptualiser des formes d’accompagnement sportif originales et attrayantes pour un public qui recherchait, in fine, un retour aux sources ou simplement quelque chose de différent, sinon original.
A quel moment ne sommes-nous pas dans ce cas dans de l’accompagnement, tout en étant enrichissant, créatif, et conscient néanmoins de l’affiliation sur laquelle nous nous appuyons pour avancer et faire avancer dans la vie ?
Comprendre que ce que nous avons fait, par le passé et jusqu’à aujourd’hui, revêt une importance tout aussi nécessaire et vitale que comprendre ce que, de part notre regard, nous faisons aujourd’hui et projetons de faire demain.
C’est un chantier passionnant et nécessaire, c’est une question qui, de mon point de vue, semble s’imposer aujourd’hui aux professionnels du coaching.
A défaut de quoi, nous verrons sous-peu notre légitimité fondre encore un peu plus et s’évaporer intégralement comme neige au soleil des projecteurs, ceux des émissions de télé-réalité et des plateaux T.V à forte audience, animés par de joyeux trublions complices et avides de sensationnelles banalités.
A propos de l’auteur
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Merci Norbert pour cet article très complet qui fait écho en moi comme nous l’avions abordé lors de nos échanges sur la question.
J’espère que nous serons nombreux à relayer ce discours sur nos blogs, dans nos échanges, sur les réseaux sociaux et communautés afin de faire progresser la reconnaissance de notre métier en France.
A bientôt !
Caroline
Bonsoir Caroline, nos échanges sur cette même question ajoutés à mes propres expériences et voici, en effet, un premier article qui je l’espère sera aussi suivi et complété par d’autres articles de coachs et professionnels concernés par ces questions.
Merci à toi d’avoir relevé le propos et à très bientôt.
Amicalement,
Norbert